Si «aller se chercher» à l´étranger et en particulier en Europe ou en
Amérique du Nord est devenu le mot passe-partout chez beaucoup de
migrants des pays francophones africains, la migration féminine et les
changements de rôles survenus dans ce processus ne vont pas sans
soulever les polémiques chez les Africains et Africaines.
La mobilité féminine favorisée par la
mondialisation mais aussi par les mutations socio-économiques ainsi que
les changements de mentalité dans les pays d´origine, bien que perçue
comme un signe d´épanouissement et d´autonomie, ne manque point
d´inquiéter plus d´un. Un article du journal électronique camerounais
«Cameroun-info.net » du 8 décembre 2001 tirait sous la plume de
Jean-Tobie Okala la sonnette d´alarme sur l´impact négatif que pourrait
avoir l´émigration grandissante des femmes camerounaises sur la
démographie. Cette inquiétude est alimentée par la réticence à retourner
au pays natal après des années passées à l´étranger. Le rapport du
Fond des Nations Unies pour la Population (FNUAP) de 2006 souligne
l´avantage que présente l´émigration pour les femmes issues des sociétés
encore dominées par une forte inégalité entre les femmes et les
hommes. Selon le même rapport, nombreuses sont les femmes qui trouvent
dans leur nouvelle vie à l´étranger une chance de s´épanouir, loin des
regards de la famille et des contraintes sociales. Parfois elles s´y
plaisent et peinent à retourner dans leur société d´origine.
Depuis la publication du rapport de
l´organisme allemand de la statistique «Statistisches Bundesamt» de
2011, nous savons que le taux des migrantes d´origine africaine en
Allemagne reste toujours inférieur à celui des hommes. Cependant
lorsqu´on prend en considération les différents pays de départ de
migrants, force est de constater que ce taux va crescendo pour certains.
Quelles sont les raisons d´une telle mobilité?
Africa et Science
Si les mouvements migratoires classiques
sont dominés par les hommes à cause des conditions de voyage très
souvent défavorables au déplacement des femmes sur de longues distances
et aussi à cause du contexte socio-culturel marqué par la répartition
inégale des droits et devoirs, le 21ème offre beaucoup plus de
possibilités aux femmes d´influencer et de prendre part activement au
processus migratoire. Les rapports des différents organismes
internationaux qui mettent en exergue une croissance exponentielle du
nombre des femmes en déplacement au monde, tirent cependant la sonnette
d´alarme sur les dangers et abus auxquels est souvent exposée cette
catégorie plus ou moins vulnérable de la migration. Selon le rapport du
FNUAP de 2006, le nombre de femmes migrantes s´élevait à 95 millions.
Le nombre global des migrants internationaux étant de 191 millions. Ce
rapport souligne le poids des femmes dans le développement de leur pays
d´origine, à travers les transferts de fonds par exemple. Selon
l´index de développent humain «Human Development Report», le
pourcentage des femmes dans la migration internationale en Afrique
s´élevait en 2005 à 47,8 %.
En ce qui concerne l´Allemagne, on
comptait en 2010 271.431 migrants ayant une nationalité africaine. Même
si le nombre des femmes ne s´élevait qu´à 117.510, certaines disparités
régionales et nationales sont notoires. De l´Afrique de l´Est on
comptait 21.396 femmes en Allemagne contre 16.775 hommes. 5.250 femmes
éthiopiennes vivaient en terre allemande tandis seuls 4.754 hommes
étaient enregistrés. Quant à la République Démocratique du Congo, on
pouvait noter la présence 5.287 femmes contre 5.208 hommes. Le Ghana
aussi faisait montre d´un taux de migrantes légèrement supérieur à celui
des hommes (11.296 femmes; 10.081 hommes). Brisant les barrières
socioculturelles de leurs pays d´origine qui contribuent à maintenir les
femmes dans la position de «cadets sociaux», cette mobilité féminine
témoigne une fois de plus du dynamisme de la femme africaine qui ne
pouvait pas tarder à entrer activement dans la dynamique migratoire et
l´enrichir à sa guise.
Beaucoup d´études (cf. UNFPA 2006;
Sieveking 2009) montrent que l´amélioration de la scolarisation des
femmes est un facteur important favorisant l´accès aux NTIC (Nouvelles
Technologies de l´Information et de la Communication) ainsi qu´aux
ressources qui leur permettent d´entrer dans la l´arène de la
mondialisation, d´exploiter leurs chances pour améliorer leurs
conditions de vie et celles de leurs familles.
En résumé, la participation active et
autonome des femmes africaines dans les processus migratoires actuels
est influencée par des facteurs endogènes tels que le changement des
mentalités face au rôle de la femme, la disparition des lois et règles
misogynes. Des facteurs exogènes comme la forte demande d´une main
d´œuvre féminine dans certains secteurs de l´économie (la santé,
l’économie familiale) dans les pays industrialisés influencent également
cette nouvelle dynamique. C´est ainsi que la migration des femmes se
diversifie: elle est constituée des étudiantes, femmes célibataires,
ingénieurs, infirmières, artistes, enseignantes, femmes d´affaires,
ménagères… Ce mouvement qui ne fait que commencer ne s’arrêtera pas. De
ce fait, il mérite une attention particulière dans la mesure où les
femmes migrantes de l´Afrique rencontrent généralement dans les pays
d´accueil des difficultés liées à leur appartenance raciale et à leur
genre, des sujets très souvent rejetés au second plan dans les débats
sur la migration.
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