mercredi 26 octobre 2011

Miss Cap-Vert privée de concours Miss Monde faute de visa

Autant le dire d'emblée : je ne suis pas une fanatique des concours de beauté (je ne pourrais pas gagner). Par contre je suis obsédée par ce concept flou (pour ne pas dire abstrait) qu'on nomme « justice ».

Miss Cap-Vert (MissWorld.com)
En gros, voici les faits : à en croire les journaux capverdiens, le concours de Miss Monde aura lieu le 1er novembre à Londres et se déroulera sans la présence de Miss Cap-Vert... qui n'a pas de visa pour l'Europe.
L'obtention du précieux petit timbre n'est pas chose simple pour qui est né en Afrique...

Ghana puis Londres ? Trop cher

Par exemple, dans ce cas précis, l'organisation qui s'occupe de l'élection de miss Cap-Vert aurait dû, outre le financement du voyage et du séjour à Londres de la candidate, trouver préalablement de quoi lui payer un vol pour le Ghana (lieu où se trouve la plus proche ambassade d'Angleterre) et l'argent nécessaire pour qu'elle y séjourne quinze jours, le délai minimum pour l'obtention d'un visa. Une vrai petite fortune à dépenser en plus de ce que dépensent les candidates en provenance des autres continents !
Peu importe de savoir si mademoiselle Tirzah Evora aurait pu, ou non, gagner : elle était en droit de participer à cette compétition au même titre que toutes les autres gagnantes. Sinon, ce n'est plus « Miss Monde » mais « Miss Premier Monde » ou « Miss Pays Riches ».
A travers cette exclusion, ce petit coup de tampon que l'on s'ingénie à rendre si cher, c'est tout un peuple qui se sent humilié et rejeté car, si l'exemple de ce concours de beauté est d'actualité, il en existe de nombreux autres (compétitions sportives, rencontres internationales...) dont les Capverdiens sont exclus faute de visas !

Avant elle, un champion de Kitesurf

Ce n'est pas Mitu Monteiro qui me contredira : ce champion du monde de kitesurf avait bien failli rater les compétitions d'Australie, en 2010, ce qui aurait été bien dommage puisque c'est là qu'il s'est classé premier dans la Red Bull Kite Cross.
Ici tout le monde ne s'appelle pas Cesaria, c'est vrai, mais on parle de gens avec des rêves et des projets qui sont en droit d'espérer que l'on respecte leur dignité. Entrouvrir la porte à une seconde mademoiselle Evora serait déjà un premier pas.
Certains penseront « voilà beaucoup de mots pour un sujet futile » mais de futilité en futilité c'est beaucoup de mépris dont font preuve certains pays qui s'estiment supérieurs. De quoi ? Vous dites ? « Les hommes naissent libres et égaux en droits. » Z'êtes sûrs ? Ah bon.... peut être, mais certainement pas les peuples !

Commerce international : le Canada mise-t-il suffisamment sur l’Afrique ?

Serge TchahaSerge Tchaha - Le 14 octobre dernier, à l’hôtel Holiday Inn Sélect de Montréal, s’est déroulée la 6ème Tribune interactive, placée sous le thème « Programmes financiers, avantages fiscaux, et immigration sont-ils vraiment un soutien à la croissance économique? ». Cette activité était organisée par l’Association des Maisons de Commerce Extérieur du Québec (AMCEQ) et le Carrefour des Communautés du Québec en collaboration (CCQ) avec les Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ)

L’évènement, qui rassemblait plus d’une centaine de personnes, a réuni un parterre de conférenciers de haut vol notamment Christian Martin, Président de l’AMCEQ; Duarte da Ponte Miranda, VP à la retraite, commerce international Banque Royale du Canada; Riccardo Magini, 1er VP, Services aux particuliers et immigrants investisseurs, Banque Laurentienne;  et Steve Gauthier, VP, Développement corporatif Centre financier international de Montréal.
Les nombreux débats soulevés lors des différents ateliers commandent de réfléchir à la place qu’accorde le Canada à l’Afrique dans sa volonté d’occuper une plus grande place dans les chaînes de valeur mondiales.
La stratégie commerciale mondiale du Canada…
Le Canada a adopté en 2009 une nouvelle stratégie commerciale mondiale. Celle-ci a été baptisée : « Saisir les avantages globaux – La stratégie commerciale mondiale pour assurer la croissance et la prospérité du Canada ».
Les principaux objectifs de cette stratégie sont les suivants :
  • Stimuler la participation des entreprises canadiennes aux chaînes de valeur mondiales;
  • Obtenir des conditions d’accès concurrentielles aux marchés et aux réseaux mondiaux pour les entreprises canadiennes;
  • Accroître l’investissement étranger direct au Canada et l’investissement direct du Canada à l’étranger;
  • Tisser des liens plus étroits entre les milieux scientifiques et technologiques du Canada et les réseaux d’innovation internationaux.
Il y a, par ailleurs, deux chiffres-clés qui montrent combien le Canada est un joueur majeur du commerce international. Les exportations des marchandises et services canadiens se sont élevés à 557.9 milliards $ en 2008 et les importations s’établissaient à 533.3 milliards $. Afin de mesurer l’impact de ce chiffre, il faut se souvenir que selon McKinsey, en 2008, l’Afrique a généré un PIB de 1 600 milliards $.
… fait-elle suffisamment de place à l’Afrique?
Le même document nous explique que ce pays identifie comme prioritaires les 13 marchés suivants :
  • Americas : Brésil, Amérique latine et Caraïbes, Mexique et États-Unis;

  • Asie Pacifique : Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), Australie et Nouvelle-Zélande, Chine, Inde, Japon et Corée;

  • Europe et le Moyen-Orient : Europe, Russie et Conseil de coopération du Golfe (CCG).
L’on constate ainsi à première vue que le continent noir n’est pas tout à fait au cœur des priorités, pour le moment, du Canada.

Oui mais…
Mais la vérité des faits est plus nuancée. En effet, le 11 octobre dernier, le Canada a engagé la première ronde de négociations avec le Maroc dans la perspective d’établir avec celui-ci un Accord de Libre Échange. Ce serait une première entre le Canada et un pays africain.
En plus, le Canada négocie présentement avec plusieurs pays africains des accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers. Il s’agit du Ghana, du Mali, de la Tanzanie et de la Tunisie. Le Gouvernement canadien précise par ailleurs qu’il a récemment conclu une entente avec Madagascar.
Par ailleurs, Canada et Afrique sont souvent évoqués quand l’on parle des mines. Et cela, à juste titre. En effet, l’Afrique est un coffre-fort planétaire de matières premières et le pays à la feuille d’érable a une expertise dans le domaine des mines qualifiée de world class.
… Cependant, il peut en faire plus Ce pays regorge d’autres atouts qui susciteraient le plus vif intérêt des Africains. Deux exemples fort illustratifs : hydroélectricité et foresterie.
Le Canada, bordé par 3 océans et comptant l’une des premières réserves d’eau douce du monde, maîtrise superbement la production d’électricité par l’eau. Il est clair que des affaires avec des pays comme la RDC serait possible.
Monsieur AL WARD, Président du CA de FPInnovations, dans le magazine Opérations forestières et de scieries, écrit ceci : « l’industrie forestière canadienne demeure un acteur de premier plan dans l’économie canadienne. Elle compte à elle seule pour 12% du produit domestique brut manufacturier et emploie plus de 235 000 personnes dans près de 200 communautés d’un bout à l’autre du pays. ». Les pays de la COMIFAC ne pourraient-ils pas bénéficier de ce savoir-faire? Et les Canadiens n’y voient-ils pas des parts de marché potentiels? Alors que l’on sait par exemple qu’un pays comme le Cameroun désire passer vers les 2ème et 3ème transformations de son bois?
Finalement, du haut de son bilinguisme qui lui ouvre la porte à des dizaines de marchés africains, fort de son image dans le monde et en Afrique – absence de passé colonial notamment – riche de vieilles relations avec l’Afrique, le Canada peut et doit en faire plus en Afrique s’il ne veut pas se faire marginaliser par les BRICs. Car ces derniers y vont à tout va. Il faudrait déjà, peut-être un Forum Canada-Afrique et assurément moins de fermetures d’ambassades canadiennes sur les terres de MTN et Dangote.
Serge TCHAHA

La diaspora tunisienne lève la voix

Les Tunisiens de France se sont déplacés en masse pour l'élection de l'Assemblée constituante. Mais comment ont-ils fait pour s'y retrouver parmi les dizaines de partis en lice?
A Paris, les Tunisiens ont le doigt tout bleu! Ils sont très nombreux à avoir trempé leur index dans de l'encre en guise de preuve de leur vote, lors du dernier jour du scrutin de la diaspora tunisienne en France. Un scrutin qui doit permettre de désigner une Assemblée constituante. il s'agit de la première élection depuis la chute de Ben Ali. La première élection tout court pour certains, très jeunes, ou d’autres qui n’ont jamais participé à la « mascarade » que représentaient pour eux les élections sous l'ancien régime.
Le taux de participation de la diaspora est de 40%, selonl’Instance supérieure pour les élections (Isie) de Tunisie. Un taux « très élevé comparativement au vote de la diaspora qui se situe généralement autour de 10% », a déclaré Kamel Jendoubi, président de l’Isie.
Au Consulat général de Tunisie, c’est l’effervescence. Dans la file d’attente qui ne désemplit pas, les quelques centaines d’électeurs présents restent enthousiastes, malgré le froid glacial qui fouette leur visage. Toutes les générations sont représentées. Chacun donne volontiers son avis. Seule une dame assez âgée qui discute avec ses amies semble quelque peu réticente à l’idée de dire ce qu’elle pense ouvertement. Elle ne veut pas donner son prénom, non plus. Elle craint pour sa réputation: « J’ai encore de la famille en Tunisie, je ne veux pas de problème », bredouille-t-elle. Des vieux réflexes, probablement.
Les Tunisiens, venus par centaines, au Consulat général de Tunisie. Paris, 22 octobre. © Fanny Roux

Le « tout sauf Ennahdha »

Elle est un peu perdue: « Je ne connais personne », avoue-t-elle, en parlant des partis en lice. Voir clair dans un scrutin qui enregistre 117 partis en tout relève du défi. Ici, dans la première circonscription de France, les Tunisiens ont un peu moins le choix. Mais ils doivent tout de même cocher une case parmi les 49 listes proposées. Comment ont-ils fait pour s’y retrouver? Quels critères ont guidé leur choix?
« Je pense que l’on veut tous la même chose, une vraie démocratie », explique Hafed, agent de sécurité à la RATP.
Sur ce point, après 23 ans de dictature, tous les partis sont d’accord. En écoutant ces citoyens, on se rend compte que le débat politique se cristallise sur deux grandes questions qui déterminent leur choix. La première, c’est la place du parti islamiste Ennahdha, qui a le vent en poupe, si l’on en croit les sondages. Pour Mohammed, la quarantaine, l’important, c’est le « respect » de sa religion. Il votera donc pour « un parti politique qui va ancrer l'islam en tant que religion officielle de la République tunisienne ». Alors qu'Hafed a choisi un parti qui prône « la liberté du culte, comme la liberté de ne pas pratiquer », en opposition à Ennahda, qui veut instaurer un islam politique en Tunisie. Selon Marouan, le parti islamiste a réussi a transformé le débat politique en débat religieux, pour ou contre l’islam: 
« Ils ont réussi à tout réduire à la question simpliste "est-on musulman ou pas?" Pour lui, c'est une supercherie, car les sujets socio-économiques ont été mis sur la touche.
Comme Marouan, beaucoup de gens ont cherché à voter pour le parti qui pourrait battre Ennahdha. Beaucoup mettent leur espoir dans la coalition progressiste, «le Pôle démocratique moderniste» (PDM). Toute la famille Sdiri a fait le choix pragmatique du «tout sauf Ennahda». L’une des deux filles, Nadia, explique sa démarche:
«J'ai demandé à mes amis sur place de prendre la température. Je leur ai posé une question simple: quel parti est assez fort pour battre Ennahdha? C'est mon premier critère de sélection, parce que moi je ne veux pas d'une Tunisie islamiste. Pays musulman, je suis d'accord. Mais je suis pour la liberté de culte, et je ne veux pas que la femme soit réduite à rester au foyer, même si elle touche un salaire.»
Ses parents et sa sœur acquiescent. Ils sont venu voter pour la première fois, tous ensemble, avec le même espoir.
Cette élection est déjà une fête démocratique pour la famille Sdiri, 22 octobre, Paris. © Fanny Roux

Rupture ou continuité

La nouveauté ou non des formations politiques apparaît comme une seconde ligne de clivage important entre les partis. Ali est jeune, il fait plus confiance aux partis nés de la révolution, pour rompre avec l’ancien système:
«Pour choisir un parti, je me suis dit: est-ce qu'il était là avant, pendant l'ancien régime? Je ne peux pas voter pour quelqu'un qui a travaillé avec Ben Ali, il n'en est pas question. Je choisis plutôt les technocrates qui peuvent aider le pays intellectuellement, et avec leur expérience économique et sociale
Pour Nadia. A, il faudra du temps pour que le système tombe totalement. En attendant, la jeune femme pense que l’on a besoin de formations politiques solides:
«Je recherche un parti constitué de personnes qui ont de l'expérience en politique. Il y a énormément de partis qui ont vu le jour, mais sans formation derrière. Ils ne sont pas viables et n’ont pas assez de recul pour pouvoir proposer aux Tunisiens une constitution.»
Beaucoup font ce choix de la continuité en se référant aux partis qu’ils connaissaient déjà. En tant qu’opposant réprimé de l’ère Ben Ali, Ennahdha a pu ainsi servir de repère. Pour Mohammed, c’est de cette façon que les gens s’y retrouvent parmi tous les candidats:
«Une opposition existe, même si elle n'était pas trop présente sous Ben Ali, parce que les partis étaient poussés à l'exil. On les connaît tous, leurs opinions et leurs courants politiques. Aujourd’hui, les Tunisiens savent à qui donner leur voix.»

Une jeune génération informée

Face une génération qui se réfère à des partis qu’elle connait déjà, se développe une jeunesse qui s’informe, échange et communique. Ali brasse des informations sur Internet. Il s'est rendu à des conférences de plusieurs partis pour connaître leur programme économique et social, et leurs solutions contre le chômage:
«On parle entre nous aussi. On se dit: que va faire tel ou tel parti? Comment vas-tu choisir? On ne peut pas tous les connaître. Mais il y en a huit ou dix qui sont plus connus que les autres», explique-t-il très enthousiaste.
Cette jeunesse s’engage, même si elle est à quelques milliers de kilomètres de Tunis. Nadia A. fait partie de l'association Uni'T, Union pour les Tunisiens, qui a participé à l'effort d'information, en interrogeant les dirigeants des principaux partis afin d’en faire des vidéos d'une minute postées sur Internet. Le badge autour du cou, elle veille au bon déroulement du scrutin en guidant les gens vers le bon bureau de vote. Elle se réjouit de l’implication des jeunes:
«beaucoup de jeunes bénévoles se sont mobilisés pour venir aider ce matin. Cela montre déjà un changement.»
Et pas un d’entre eux n’omet de citer l’importance des réseaux sociaux, dans la quête, mais aussi dans le partage de l’information.
«J’ai beaucoup utilisé Twitter et Facebook. Je regardais des vidéos de gens sur place sur Youtube, pour voir leurs revendications», affirme Leila Sdiri.
Ali explique qu’il a été mis au courant des conférences et meeting à Paris, grâce aux invitations Facebook lancées par les différents partis.

Tous ne sont pas optimistes quant à l’issue du scrutin. Mais tous sont fiers et heureux de pouvoir s’exprimer librement et ont apparemment réussi à faire un choix. Ces Tunisiens de France donnent l’image d’une génération dynamique qui se saisit de son droit de vote parce qu’elle croit à nouveau en la possibilité d’une démocratie. La plupart d’entre eux n’ont pas fait la révolution sur place, ce que leurs compatriotes peuvent parfois leur reprocher. Mais nombreux sont ceux qui, à l’image de ce jeune artiste qui a recueilli sur des toiles les dédicaces des électeurs de Paris à ceux de Tunisie, leur envoient de chaleureux messages d’espoir.
Fanny Roux