vendredi 23 mars 2012

La Migration Africaine se féminise: Rien ne va la stopper !

Si «aller se chercher» à l´étranger et en particulier en Europe ou en Amérique du Nord est devenu le mot passe-partout chez beaucoup de migrants des pays francophones africains, la migration féminine et les changements de rôles survenus dans ce processus ne vont pas sans soulever les polémiques chez les Africains et Africaines.


La mobilité féminine favorisée par la mondialisation mais aussi par les mutations socio-économiques ainsi que les changements de mentalité dans les pays d´origine, bien que perçue comme un signe d´épanouissement et d´autonomie, ne manque point d´inquiéter plus d´un. Un article du journal électronique camerounais «Cameroun-info.net » du 8 décembre 2001 tirait sous la plume de Jean-Tobie Okala la sonnette d´alarme sur l´impact négatif que pourrait avoir l´émigration grandissante des femmes camerounaises sur la démographie. Cette inquiétude est alimentée par la réticence à retourner au pays natal après des années passées à l´étranger. Le rapport du Fond des Nations Unies pour la Population (FNUAP) de 2006 souligne l´avantage que présente l´émigration pour les femmes issues des sociétés encore dominées par une forte inégalité entre les femmes et les hommes. Selon le même rapport, nombreuses sont les femmes qui trouvent dans leur nouvelle vie à l´étranger une chance de s´épanouir, loin des regards de la famille et des contraintes sociales. Parfois elles s´y plaisent et peinent à retourner dans leur société d´origine.
Depuis la publication du rapport de l´organisme allemand de la statistique «Statistisches Bundesamt» de 2011, nous savons que le taux des migrantes d´origine africaine en Allemagne reste toujours inférieur à celui des hommes. Cependant lorsqu´on prend en considération les différents pays de départ de migrants, force est de constater que ce taux va crescendo pour certains. Quelles sont les raisons d´une telle mobilité?
Africa et Science
Si les mouvements migratoires classiques sont dominés par les hommes à cause des conditions de voyage très souvent défavorables au déplacement des femmes sur de longues distances et aussi à cause du contexte socio-culturel marqué par la répartition inégale des droits et devoirs, le 21ème offre beaucoup plus de possibilités aux femmes d´influencer et de prendre part activement au processus migratoire. Les rapports des différents organismes internationaux qui mettent en exergue une croissance exponentielle du nombre des femmes en déplacement au monde, tirent cependant la sonnette d´alarme sur les dangers et abus auxquels est souvent exposée cette catégorie plus ou moins vulnérable de la migration. Selon le rapport du FNUAP de 2006, le nombre de femmes migrantes s´élevait à 95 millions. Le nombre global des migrants internationaux étant de 191 millions. Ce rapport souligne le poids des femmes dans le développement de leur pays d´origine, à travers les transferts de fonds par exemple. Selon l´index de développent humain «Human Development Report», le pourcentage des femmes dans la migration internationale en Afrique s´élevait en 2005 à 47,8 %.
En ce qui concerne l´Allemagne, on comptait en 2010 271.431 migrants ayant une nationalité africaine. Même si le nombre des femmes ne s´élevait qu´à 117.510, certaines disparités régionales et nationales sont notoires. De l´Afrique de l´Est on comptait 21.396 femmes en Allemagne contre 16.775 hommes. 5.250 femmes éthiopiennes vivaient en terre allemande tandis seuls 4.754 hommes étaient enregistrés. Quant à la République Démocratique du Congo, on pouvait noter la présence 5.287 femmes contre 5.208 hommes. Le Ghana aussi faisait montre d´un taux de migrantes légèrement supérieur à celui des hommes (11.296 femmes; 10.081 hommes). Brisant les barrières socioculturelles de leurs pays d´origine qui contribuent à maintenir les femmes dans la position de «cadets sociaux», cette mobilité féminine témoigne une fois de plus du dynamisme de la femme africaine qui ne pouvait pas tarder à entrer activement dans la dynamique migratoire et l´enrichir à sa guise.
Beaucoup d´études (cf. UNFPA 2006; Sieveking 2009) montrent que l´amélioration de la scolarisation des femmes est un facteur important favorisant l´accès aux NTIC (Nouvelles Technologies de l´Information et de la Communication) ainsi qu´aux ressources qui leur permettent d´entrer dans la l´arène de la mondialisation, d´exploiter leurs chances pour améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs familles.
En résumé, la participation active et autonome des femmes africaines dans les processus migratoires actuels est influencée par des facteurs endogènes tels que le changement des mentalités face au rôle de la femme, la disparition des lois et règles misogynes. Des facteurs exogènes comme la forte demande d´une main d´œuvre féminine dans certains secteurs de l´économie (la santé, l’économie familiale) dans les pays industrialisés influencent également cette nouvelle dynamique. C´est ainsi que la migration des femmes se diversifie: elle est constituée des étudiantes, femmes célibataires, ingénieurs, infirmières, artistes, enseignantes, femmes d´affaires, ménagères… Ce mouvement qui ne fait que commencer ne s’arrêtera pas. De ce fait, il mérite une attention particulière dans la mesure où les femmes migrantes de l´Afrique rencontrent généralement dans les pays d´accueil des difficultés liées à leur appartenance raciale et à leur genre, des sujets très souvent rejetés au second plan dans les débats sur la migration.