jeudi 10 mai 2012

l'Afrique expulse l'Afrique. L’Afrique du Sud expulse 30 Congolais vers Lubumbashi

Il est également fait état de l’expulsion de 13.000 Congolais de l’Angola vers Kasaï-Occidental, une situation pour laquelle Ivan Simonovic, assistant du secrétaire général de l’ONU en charge de droits de l’homme, a promis de saisir l’Organisation des Nations Unies.

Trente Congolais expulsés de l’Afrique du Sud pour séjour irrégulier sont arrivés à Lubumbashi, le dimanche 6 mai. Ils sont tous incarcérés à la prison centrale de la Kasapa où ils déplorent leurs conditions de vie. L’administration pénitentiaire affirme cependant que ces personnes ne sont pas des détenus. Les expulsés, dont deux femmes, sont tous des majeurs. La plupart d’entre eux sont des ressortissants des provinces du Katanga, Sud-Kivu, Nord-Kivu et Kinshasa. Ils ont été acheminés à la prison de la Kasapa le jour même de leur arrivée dans la capitale du cuivre. Ces expulsés ont indiqué qu’ils provenaient de différents centres de transit de l’Afrique du Sud.

Certains d’entre eux ont affirmé avoir été embarqués de force par la police sud africaine. D’autres disent avoir volontairement souscrit au rapatriement. Les inspecteurs judiciaires procédaient, mardi matin, à leur identification sur réquisition du parquet général près la cour d’appel de Lubumbashi. L’administration pénitentiaire a confirmé pour sa part qu’il n’y a aucune poursuite judiciaire engagée contre eux. Il s’agit d’une procé¬dure d’ordre administratif et à titre d’information, indique-t-on.

Les expulsés se sont plaints de mauvaises conditions de vie dans la prison et se disent inquiets pour leur sécurité. Ceux qui doivent aller dans d’autres provinces disent n’avoir pas de moyen pour atteindre leurs milieux d’origine. Au mois de février dernier, cinquante deux Congolais expulsés tou¬jours de l’Afrique du Sud ont passé plusieurs jours à la même prison, avant de regagner leurs milieux d’origine.

Kasaï-Occidental : 13 000 Congolais expulsés de l’Angola

L’assistant du secrétaire général de l’ONU en charge de droits de l’homme, Ivan Simonovic, a déploré lundi 7 mai 4 Kamako (Kasai-Occidental), les conditions dans lesquelles treize mille ressortissants congolais ont été expulsés de l’Angola. En visite au Kasai-Occidental, il a promis de faire un rapport au Conseil de sécurité des Nations-Unies pour trouver des solutions nécessaires à ce problème.

« Les immigrants économiques peuvent être illégaux, mais ils ne doivent pas être traités comme ça. Avant que je ne parte, je vais essayer de rencontrer ceux qui font ça. A New york, j’en parlerai avec les pays membres du Conseil de sécurité », a promis le diplomate onusien.

Le président du Co¬mité d’accueil des expulsés d’Angola, l’abbé Charles Mukubayi, a plaidé auprès de ce haut fonctionnaire de l’ONU pour la réouverture officielle des frontières entre la RDC et l’Angola. « Ces expulsés ren¬trent mains vides. Presque 90% sont déjà torturés. Les femmes sont en grand nombre violées et d’autres n’arrivent même pas en RDC et elles restent dans les cachots en Angola ou elles disparaissent en cours des routes », a déploré l’abbé Charles Mukubayi. On rappelle que ces Congolais sont expulsés de l’Angola par six pos¬tes officiels du territoire de Tshikapa depuis janvier 2012.

Le Phare

Bob Marley, un musicien reggae et rasta en Afrique



Quels sont les liens de Bob Marley avec l'Afrique? Entre musique reggae, mouvement rasta et indépendances...
Ecouter les albums de Bob Marley reste une passion pour les amateurs de reggae, nombreux en Afrique. Affiches, photos et tee-shirt à l’effigie de ce chanteur continuent de se répandre. Outre sa musique et son adhésion au mouvement rastafari, les affinités de Bob Marley avec le continent noir expliquent la ferveur des Africains pour la star venue de Jamaïque.

L’Afrique dans les chansons de Bob Marley, la légende du reggae



 
Bob Marley n’a pas inventé le reggae mais il en est probablement le représentant le plus populaire. Dans ses chansons, l’Afrique tient une place importante.
  • War (album Rastaman Vibration, 1976) reprend un extrait du discours de Hailé Sélassié, prononcé en 1963 devant les Nations Unies, où il dénonçait l’oppression dont l’Afrique était victime. Alpha Blondy en fait une version en français sous le titre Guerre.
  • Exodus (album du même nom, 1977) invite au retour à la Terre-mère, l’Afrique, au "mouvement du peuple de Jah".
  • Africa Unite (album Survival, 1979) prône l’unité des peuples noirs de la diaspora et du continent: "Afrique tu es la pierre angulaire de mes ancêtres / Unis-toi pour les Africains étrangers / Unis-toi pour les Africains du pays".
  • Zimbabwe est le titre phare de Survival (sorti en 1979), un album majeur de Bob Marley qui rend hommage à l’Afrique et soutient les mouvements de libération. La représentation des drapeaux africains composent la pochette de l’album.
La sensibilité à l’Afrique de Bob Marley qui se manifeste dans sa musique est liée notamment à son adhésion au mouvement rasta. La pensée de ce courant spirituel accorde une place essentielle au continent noir.
 
Comment Bob Marley est devenu rasta

Robert Nesta (dit Bob) Marley est né le 6 février 1945 d’une jeune mère noire jamaïcaine et d’un père âgé britannique qu’il connaîtra très peu. Il passe sa jeunesse dans un milieu pauvre et reste attaché à la Jamaïque toute sa vie. En 1966, il s’intéresse au mouvement rastafari, suite à la visite de Hailé Sélassié Ier (de son vrai nom Ras Tafari Makonnen) sur l’île, bien qu’il soit aux Etats-Unis à ce moment-là. Rapidement, Bob Marley se déclare rasta.
Le rastafarisme, initié dans les années 1930 en Jamaïque, prône un retour vers l’Afrique, la "Terre-Mère" des anciens esclaves. Pour les rastafaris, l’empereur d’Ethiopie Sélassié est l’envoyé de Jah (Dieu). Son couronnement en 1930 est considéré comme l’accomplissement d’une prophétie prononcée dans les années 1920: "Regardez vers l'Afrique, où un roi noir doit être couronné. Il sera le Rédempteur".
En Jamaïque chrétienne, le mouvement rasta est sévèrement réprimé. Il est jugé blasphématoire par l’occupant colonial britannique. Dans ce contexte, la venue de Sélassié suscite une ferveur immense chez la population. D’autant plus qu’en 1948, l’empereur a offert Shashamane, une terre d’Ethiopie, à tous les Noirs d’Amérique du Nord et des Caraïbes désirant "rentrer sur la Terre-Mère". Le lien est donc fort entre la Jamaïque, terre natale de Bob Marley, et l’Afrique, d’un point de vue politique, mais aussi sur le plan spirituel et intellectuel à travers les idées rasta.


 

"Quand l'Afrique s'éveille"

«L'Afrique connaît une profonde mutation»
AVEC «BOOKS». Le continent a désormais les moyens de décoller. Mais le comportement prédateur des dirigeants et la faiblesse de l’Etat de droit pourraient faire de ce moment historique une occasion manquée. Sauf si… Entretien avec Stephen Ellis, historien britannique spécialiste de l’Afrique, à lire dans le «BoOks» du mois de mai.

"Quand l'Afrique s'éveille": c'est le sujet du dossier central du magazine "BoOks" (n°32, mai 2012).

BoOks Partagez-vous l’optimisme qui semble régner depuis quelque temps à l’égard de l’avenir du continent, notamment dans les milieux anglo-saxons?

Stephen Ellis Depuis sept ou huit ans en effet, les hommes d’affaires occidentaux que je rencontre se disent convaincus que l’Afrique change et la considèrent comme une région très prometteuse pour les investissements. De fait, le continent connaît une profonde mutation. Notamment en raison de l’explosion démographique spectaculaire qu’elle connaît: l’Afrique compte aujourd’hui un milliard d’habitants, contre environ 150 millions au début du XXe siècle.

C’est la plus forte hausse de l’histoire de l’humanité. Sa place dans le monde en est bouleversée. Cette population jeune dynamise la demande et donc les échanges avec le reste de la planète. C’est l’un des ressorts du rapprochement spectaculaire que l’on observe entre le continent et le premier exportateur mondial, la Chine.







STEPHEN ELLIS est un historien britannique spécialiste de l’Afrique contemporaine. Chercheur au Centre d’études africaines de Leiden et professeur à l’université libre d’Amsterdam, il vit aux Pays-Bas. Auteur de nombreux livres, notamment sur l’Afrique du Sud, Madagascar ou le Liberia, il a coécrit en français «Entreprises et Entrepreneurs africains» (Karthala, 1995) et «La criminalisation de l’État en Afrique» (Complexe, 1997). Il a publié «Season of Rains» en 2011 (Hurst & Company, 224 p.). (Hurst & Company)


La Chine joue-t-elle vraiment un rôle clé dans la dynamique économique africaine?

Ses besoins en matières premières sont considérables et Pékin n’a qu’une confiance relative dans les marchés mondiaux. La Chine s’approvisionne donc de plus en plus en Afrique. Elle y achète notamment 30% de son pétrole. Et elle s’assure de la stabilité de sa relation avec les pays de la région en leur accordant des crédits privilégiés et en construisant des infrastructures. On estime que 250.000 à un million de Chinois sont aujourd’hui présents sur le continent.

D’une manière générale, la flambée du prix des matières premières provoquée par le développement de l’Asie dope la croissance africaine, qui dépasse dans certains pays les 6% l’an.

Faut-il y voir également l’effet d’un changement de politique économique?

De nombreux pays du continent se sont désendettés et les réformes entreprises depuis le début des années 1990 ont favorisé l’émergence d’institutions financières plus efficaces et de places boursières dignes de ce nom. En outre, des pays comme le Ghana ou le Nigéria ont aujourd’hui des cadres de très haut niveau, diplômés de Yale ou Harvard, qui ont travaillé longtemps à la City ou à Wall Street, et sont revenus au pays dotés d’une parfaite connaissance des méthodes des principaux centres financiers de la planète.

Pour toutes ces raisons, l’Afrique a aujourd’hui une occasion unique de connaître non seulement une véritable croissance, mais aussi un développement social et politique réel. Je crains cependant que des individus habitués à manipuler la dépendance continuent à le faire, et jouent les Chinois contre les Occidentaux non pour le bien-être de leur population mais pour dégager les rentes qui échoient traditionnellement en Afrique à ceux qui occupent des positions de pouvoir.









Ce mois-ci dans «BoOks»




Comme à son habitude, «BoOks» rassemble des articles de la presse internationale, du «Financial Times» au «Foreign Affairs», ce mois-ci pour décrire la vague d’optimisme qui touche les économistes et les investisseurs tournés vers les pays d’Afrique. Personne n’incarne mieux ce possible renouveau que le milliardaire soudanais Mo Ibrahim, ingénieur Télécom de haut niveau formé en Angleterre, importateur de la téléphonie mobile en Afrique. Le mal, selon lui, provient d’un «déficit catastrophique de leadership.» Publié chaque année, son palmarès de la bonne et mauvaise gouvernance est désormais le baromètre le plus influent sur ce continent que Mo Ibrahim qualifie de «véritable foutoir». Cinq millions de ses propres dollars vont chaque année à un dirigeant qui a promu la démocratie, n’a pas volé son peuple et rendu le pouvoir pacifiquement. A peu près inconnu en France où il réside cependant, cet homme fait l’objet d’un article étonnant, extrait du «New Yorker».

Plus loin, dans la rubrique «Lu d’ailleurs» Benjamin Korn, du «Zeit» prend la défense de Molière, perçu outre-Rhin comme un auteur de farces mineures, en montrant la saisissante parenté entre le misanthrope Alceste et le Hamlet de Shakespeare. Deux personnages en désaccord avec le monde, qui doutent qu’il faille se soumettre à la loi sociale plus qu’à celle de son âme. «Dans le monde réel, écrit le journaliste, le public ne supporterait ni Hamlet ni Alceste. Car nous tous, qui embrassons au théâtre leur parti, sommes au quotidien ces conformistes endurcis.»

Anne Crignon

«BoOks», en kiosque et en librairie. 6,90 euros.



Qu’entendez-vous par «habitués à manipuler la dépendance»?

De nombreux hommes politiques et acteurs économiques africains ont appris leur métier et sont devenus ce qu’ils sont en vivant de la relation de dépendance qu’ils entretiennent avec le reste du monde. Leur objectif est de générer des bénéfices pour eux-mêmes et leurs soutiens plutôt que pour la société dans son ensemble.

Dans les années 1960, des marchés sordides ont été conclus entre les hommes politiques africains et la puissance coloniale sur le départ. L’accès au pouvoir était en effet essentiel pour cette génération de responsables, qui avait senti venir l’indépendance mais ne disposait pas d’une base politique suffisamment nantie pour financer ses ambitions: le contrôle de l’appareil d’État était pour eux un moyen de générer des fonds pour leurs mouvements politiques, en rançonnant les entreprises à l’affût des contrats publics. Cette forme de prédation leur permettait notamment de distribuer des prébendes en échappant à toute relation de dépendance fiscale – et donc politique – avec leurs propres citoyens.

Quel rôle a joué l’aide au développement dans ce contexte?

C’est l’un des principaux ressorts de cette relation de dépendance pernicieuse: l’Afrique a reçu environ 1 trillion de dollars d’aide depuis 1945, avec l’efficacité que l’on sait en termes de développement, et l’efficacité que l’on sait en termes de durée de vie de certains régimes.

Il faut revoir de fond en comble le système. Combattre la désertification, soutenir les systèmes sanitaires, convaincre les jeunes Africains que l’émigration clandestine n’est pas un rite de passage, tout cela nécessite un personnel qualifié pour travailler avec des réseaux et des acteurs qui agissent hors de la sphère étatique sans pour autant prendre la forme d’ONG au sens classique.

Mais cette réforme est extraordinairement difficile, en raison du rôle des ONG. Si celles-ci étaient un pays, ce serait la cinquième puissance économique mondiale.







"BoOks", n°32, mai 2012.


Certaines de ces organisations sont très compétentes, d’autres le sont beaucoup moins, et certaines sont de pures entreprises de racket. Il faudrait pouvoir remettre tout cela à plat. Mais des dizaines de milliers d’Occidentaux commenceraient à craindre pour leur poste si on supprimait certaines missions ou certaines organisations ou – pire que tout – si l’Afrique cessait d’avoir besoin d’aide.

Propos recueillis par Sandrine Tolotti

=> Lire l'intégralité de cet entretien sur www.books.fr


Par Un invité de BibliObs