dimanche 6 mai 2012

Comment l'État du Sénégal peut-il susciter la création d'emplois par la diaspora ?


Me. Serigne Babacar Guèye Juriste spécialiste en Migrations Internationales Directeur Général de diasporaenligne.net. Coordonnateur duGroupe d’Etudes et de Recherches pour leDéveloppement Régional et Rural(G.E.R.D.R.R.)


Introduction
On connaît désormais la distinction entre l'origine des migrations sénégalaises à l'étranger (politique, puis économique), ce qui nous permet de distinguer les différentes diasporas, des migrants temporaires. On connaît les bienfaits que la diaspora en général, celle du Sénégal en particulier a apporté pour son pays. Des exemples vous ont été montrés plusieurs fois sur le réseau de www.diasporaenligne.net sur ce que la diaspora peut apporter. Même si on n'a pas évoqué la diaspora malaisienne, chinoise ou indienne, de nombreuses études ont montré que ce sont elles, qui ont dynamisé le décollage de ces pays, devenues aujourd'hui des pays émergeants en attendant mieux, et le développement continu.
Après avoir rappelé rapidement les problèmes entre la diaspora et l'État Sénégalais de manière générale depuis longtemps, j'essaierai de voir ce que ce nouveau régime fait concrètement pour sa diaspora, puis je m'intéresserai particulièrement à des mesures concrètes attendues de ce gouvernement pour développer la création de PME, tout en évoquant ce que la diaspora peut faire elle-même de son côté pour favoriser ces créations

CONSTAT :

L'administration sénégalaise n'est pas un auxiliaire de développement au service de l'État, au regard des pays modernes. Héritière de pratiques coloniales basées sur les notions de répression, d'intimidation et d'infantilisation des administrés, l'État sénégalais reste encore fondamentalement bureaucratique et improductif. Donc, en retard par rapport au reste de l’Afrique.
Les facteurs bloquants auxquels les Sénégalais de l'extérieur sont confrontés en Sénégalais sont Invariablement :
  • La corruption généralisée compromettant la moindre démarche administrative,
  • L'indifférence voire le mépris opposés, même pour les cas urgents,
  • Les tracasseries des forces de défense et de sécurité et de la douane,
  • L'absentéisme chronique et les lenteurs administratives,
  • Le manque d'interlocuteurs crédibles pour les projets d'investissement des Sénégalais de l’extérieur
SENEGALAIS DE L’EXTERIEUR VERITABLES MOTEURS DE DEVELOPPEMENT

Faire de la diaspora un vrai levier pour le développement du pays d'origine suppose une vraie politique. Au lieu de critiquer (même s'il faut le faire pour d'autres raisons) et de diaboliser les mesures prises par certains pays européens vis-à-vis de l'immigration, il faut d'abord balayer devant sa porte. La diaspora peut aider l'État Sénégalais à se réorganiser (à condition qu'il l'entende). Cela fait partie des ambitions affichées par la diaspora, étant entendu que personne n'ignore les nombreux dysfonctionnements de l'administration, dénoncés de manière récurrente par les opérateurs économiques et les investisseurs étrangers, dysfonctionnements qui affectent dangereusement le climat des affaires et influent négativement sur le            « risque». La diaspora Sénégalaise dans sa diversité devrait pouvoir apporter, en lieu et place des institutions financières internationales, son expertise pour accompagner l'État Sénégalais dans sa quête de modernité et de crédibilité.

CE QUI EST ATTENDU DE l'ÉTAT EN MATIÈRE DE CRÉATION DE PME

La diaspora africaine a été désignée par l'UA comme la 6ème région de l'Afrique. Je vais évoquer la diaspora et la création de PME. Personne ne comprend que malgré les nombreuses compétences dont il regorge, y compris à l'extérieur, notre pays par la faute de quelques-uns, ne sache pas créer les synergies nécessaires, aller au rythme des meilleurs, et continuer à tirer le Sénégal vers le bas. Ce qui veut surtout dire que la pauvreté augmente au Sénégal, en dépit d'un taux de croissance prévisionnel raisonnable. La croissance ne profite donc pas à la population mais à quelques-uns. Elle n'a aucune incidence sur le PIB par habitant.

Pourtant la croissance économique est le seul critère permettant au Sénégal de réussir un décollage économique, et cela passe non pas par la gestion de la rente minière, ou la simple gestion financière consistant à surveiller les taux d'inflation, de change et le déficit, mais par une vision économique passant par la création de richesses, et la meilleure façon d'y parvenir c'est l'entreprise privée. Ce qu'attendent les entreprises, c'est de pouvoir mobiliser des collaborateurs compétents, bien formés, de se développer dans un climat de vérité et de confiance, sur la base de règles administratives claires, stables, prévisibles. Ce qui compte, c'est que les investisseurs, quelle que soit leur nationalité (y compris les Sénégalais), trouvent de bons motifs pour choisir de placer leurs capitaux dans des entreprises implantées dans le pays.

Pourquoi la création d'entreprises ?

La création d'entreprise est sans nul doute le chemin de retour le plus difficile. La plupart des entreprises privées du secteur formel sont des représentations de multinationales étrangères. Cela présente des avantages pour les Sénégalais en termes de sécurité, mais de nombreux inconvénients, car la valeur ajoutée repart à l'étranger. En effet, contrairement aux investissements directs étrangers (IDE), les profits réalisés par les entrepreneurs de la diaspora ne sortent pas du pays, mais restent dans le pays, où ils peuvent être réinvestis dans des banques ou dépensés au profit de l'économie locale. Le secteur privé local formel est peu développé, il n'y a pas de transfert de technologie (y compris dans le secteur minier), pas de production technologique (on n'invente rien, pourtant les Sénégalais de l’Extérieur ont de l'imagination) et pas d'énergie.
Il faut développer le capitalisme familial qui s'implante localement et inscrit son action dans la durée. Le problème essentiel est que les gens n'ont pas d'emplois, qui sont devenus une denrée rare, à tel point que certains ont même du mal à vouloir partager avec la diaspora, parce qu'ils raisonnent en termes d'emplois publics, et pensent que ceux-ci vont leur prendre tous ces emplois. Le népotisme (voire même le communautarisme) constitue le mode d'accès privilégié à la fonction publique, indépendamment des compétences. Personnellement, je pense même que les problèmes vis-à-vis de la diaspora sont davantage liés à cet état de fait, qu'à l'origine ethnique supposée des diasporas.
En aidant à la création d'entreprises, et en exploitant judicieusement les moyens financiers et humains de sa diaspora, le Sénégal résoudrait de manière considérable ses problèmes de développement. Ces moyens peuvent à n'en point douter contribuer à réduire l'assistance et les aides diverses qui proviennent des pays riches et qui sont sources d'endettement. Fort de cela, le Sénégal gagnerait à attirer au maximum l'épargne de la diaspora, ou bien capitaliser sur les avoirs des émigrés. Cette épargne peut être orientée vers des investissements productifs créateurs de valeurs ajoutées. En cela, le gouvernement doit prendre des mesures incitatives qui favorisent l'apport des contributions diverses de la diaspora, car il faut copier ce qui marche et non le combattre.

Création d’une vitrine de développement Sénégalais

Une véritable politique migratoire en faveur de la diaspora sénégalaise doit être mise sur pied. La face visible de cette politique peut être l'insertion dans l'organigramme du Ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieurs, d'une direction si possible composée des expatriés de retour - qui se consacrera entièrement aux problèmes de la diaspora au moins (30% de la population). On pourrait même envisager la création d'un Agence d’Appui aux Sénégalais de l’Extérieur en charge de la diaspora, en fonction de l'évolution des contributions et de l'importance de celle-ci, qui aura pour mission de superviser les demandes, propositions, et recommandations des Sénégalais de l’Extérieur dans le cadre du développement durable. L'avantage d'une telle mesure est qu'elle permettra de faciliter la réintégration des membres de la diaspora. Ça c'est pour la partie visible pour les expatriés de retour entrepreneurs proprement dit.

La création d'un interlocuteur unique

Pour ces entreprises au sein dudit ministère, serait une initiative intéressante à louer. Cela permettrait de simplifier l'enregistrement et la réglementation relative aux entreprises au Sénégal. Maisl'entrepreneuriat ne devrait pas être institutionnalisé, les entrepreneurs étant individualistes, et ne sont pas intéressés par les discours et les plateformes où les gens ne font que parler.

Le financement des projets

On a vu précédemment que les transferts financiers sont souvent des dépenses de consommation (environ la moitié va vers l'immobilier), et peu vers l'investissement. Quand cela arrive, c'est surtout vers les secteurs de l'économie sociale, la santé et l'éducation. Pour démarrer une entreprise, il faut souvent trouver le financement de départ. Au Sénégal, les possibilités d'accès aux capitaux à risque sont rares, sinon inexistantes. Les microcrédits servent au démarrage de micros entreprises familiales et ne sont pas supposés financer des PME qui exigent des investissements plus importants. Quant aux banques, avant de prêter de l'argent, elles exigent des garanties que la plupart des immigrés n'ont pas. Bien sûr, il est toujours possible pour l'État de créer un Fonds spécial (avec défiscalisation des placements d'argent de la diaspora par exemple) ou des caisses de crédit auxquels les entrepreneurs de la diaspora auraient accès dans leur pays d'accueil pour monter des PME au Sénégal. Mais laissons les entrepreneurs être des entrepreneurs, de préférence sans interférence de l'État. Mais si l'État participe et intervient avec des fonds d'investissement, voulant montrer l'exemple en sachant prendre des risques, il devrait rester en dehors des aspects opérationnels de l'entreprise.

Faciliter l’accès aux expatriés sénégalais au développement utile, constitue la première étape vers la création d’un Etat émergeant.

Comment les entrepreneurs de la diaspora peuvent-ils contribuer à créer des emplois et à favoriser la croissance économique dans leurs pays d'origine ? Même lorsque la conjoncture en matière d’affaires et d’investissements est défavorable, les migrants affichent souvent une propension comparativement plus marquée à investir dans leur pays d’origine. Une analyse presque systématique de programmes et d'expériences acquises montre l'encouragement à l’investissement privé de la diaspora, soit sous forme de création d’entreprise, d’investissement privé direct.

Autres contributions de la diaspora au développement du secteur privé

Le volontariat : la diaspora pourrait mettre en place des « volontaires du progrès » au Sénégal pour permettre à des jeunes Sénégalais qui ne connaissent pas le pays, d'aller apporter leurs compétences pendant un maximum de 24 mois.
Par exemple, http/www.diasporaenligne.net pourra faciliter la participation des intellectuels Sénégalais à l'éducation dans les établissements d'enseignement au Sénégal. A l'occasion de séjours au pays.

CONCLUSION

Des motifs d'espoir

Deux idées pour conclure : ma conviction est qu'il faut construire une société du bas vers le haut et non du haut vers le bas. Depuis l’Indépendance du Sénégal, les dirigeants se sont davantage préoccupés de leur situation personnelle, que de celle des Sénégalais. Ils n'ont pas hésité à éliminer y compris physiquement des adversaires, considérant que beaucoup de choses étaient permises, sauf « lorgner » les avantages dont ils disposent ou le fauteuil présidentiel. Pour permettre d'élargir les champs du possible, la création et le développement d'une élite économique ferait d'une pierre deux coups. Tout en permettant le décollage économique du Sénégal, elle canaliserait les ambitions de nombreux Sénégalais, qui ne voient pas forcément la politique comme un moyen de s'enrichir (contrairement à certains), mais comme un moyen de pouvoir imposer la liberté réelle d'entreprendre au sens large. Si beaucoup s'intéressent aux affaires parce qu'ils y ont une liberté réelle, ils se désintéresseront volontairement de la politique.