vendredi 4 novembre 2011

G20: l'Afrique un petit peu, malgré la crise de l'euro

L'aide au développement, qui figurait parmi les priorités du G20 à Cannes, a trouvé hier jeudi un avocat de poids. Bill Gates s'est invité dans la tragédie grecque en mettant l'Afrique sur le devant de la scène, alors que les participants du sommet avaient les yeux braqués sur la crise de la zone euro.

Le fondateur de Microsoft, sollicité pour rédiger un rapport au G20 sur les financements innovants du développement, a été la première personne privée à s'exprimer devant ce forum. Et les nombreuses organisations non gouvernementales conviées à Cannes ont applaudi ses propositions considérées comme une « lueur d'espoir ».
Bill Gates a pressé les pays du G20 de ne pas tailler dans leurs budgets d'aide, malgré la crise. Il les a invités en outre à faire preuve d'innovation en faisant valoir que l'argent investi dans les vaccins ou de nouvelles semences permettait de sauver des milliards de
vies. Bill Gates a également proposé des taxes sur les transactions financières, sur le kérosène ou sur le fioul pour le transport maritime, ainsi que sur le tabac comme moyen de lever de nouvelles ressources destinées aux pays les plus pauvres.
Mais de l'aveu du président Nicolas Sarkozy, « Il n'y a pas consensus, et certains pays y sont très opposés ». Le président français doit d'ailleurs rencontrer ce vendredi ses trois invités africains.
Au menu de leurs entretiens, bien sûr la crise financière avec ses répercussions sur les économies du continent. D'ailleurs, d'aucuns s'interrogent déjà sur l'avenir du Franc CFA qui est arrimé à l'euro.
On devrait en tout cas en savoir un peu plus avec le président Théodoro Obiang Nguéma, seul chef d'Etat de cette zone monétaire présent à Cannes. Mais il est évident que le président Sarkozy abordera également avec ses collègues africains la situation de la Libye post-Kadhafi.


Par Rfi.fr

La Somalie, théâtre des ambitions kényanes


Nairobi Envoyé spécial - C'est le coeur de la nuit à Eastleigh, le quartier de Nairobi où habitent, en grande majorité, les Somaliens de la capitale kenyane. Jamal Sharif n'a pas dormi depuis 48 heures, ni cessé de mâcher les tiges de mira (autre nom du khat), dont l'écorce renferme l'amphétamine légère qui chasse la fatigue et délie les langues.






Mardi 1er novembre, dans son minuscule magasin de la 12e avenue, Jamal Sharif n'a qu'une peur : voir le reste du Kenya "attaquer et tuer" ses habitants somaliens ou d'origine somalie (l'une des ethnies du pays). L'opération "Linda Nchi" (protéger la nation) engagée par Nairobi en Somalie depuis deux semaines commence à produire ses premiers fruits empoisonnés : l'armée kenyane est entrée avec deux à trois mille hommes pour y combattre les groupes Al-Chabab (la jeunesse), les insurgés islamistes qui tiennent une grande partie du Sud. Les Chabab ont promis de répliquer par des attentats sur le sol kenyan, mettant en danger les Somalis-Somaliens, surtout dans les quartiers modestes où les lynchages ne sont pas rares.

Dans la complexe scène politico-militaire somalienne, les Chabab n'ont d'abord été qu'un groupe parmi d'autres avant de monter en puissance en 2007 et de revendiquer leur affiliation à Al-Qaida tout en prenant le contrôle de l'essentiel du sud du pays. A Mogadiscio, ils se battaient contre les ultimes poches tenues par le Gouvernement fédéral de transition (TFG) grâce aux soldats ougandais et burundais de l'Amisom, la force de l'Union africaine (UA). Le TFG a beau être corrompu et ses militaires inefficaces, cela n'empêche pas un soutien international de s'être organisé, avec les Etats-Unis, pour tenir en échec "l'émirat" que les Chabab espéraient créer en Somalie avant d'être mis en difficulté croissante depuis la mi-2010.

L'opération militaire kenyane n'est donc pas simplement le produit d'un contexte de voisinage. Mais jusqu'ici, Nairobi s'était impliqué au coté du TFG sans s'engager directement, tandis que les Chabab utilisaient Nairobi comme base arrière. A présent, l'équilibre est rompu. Pourtant, selon les règles de l'IGAD, un organisme régional, aucun pays voisin ne devait être impliqué militairement en Somalie. Pourquoi cette opération a-t-elle été lancée ? Plusieurs sources s'accordent pour affirmer que le plan avait été discuté et décidé en 2010, et affiné depuis avec l'appui de partenaires occidentaux, dont les Etats-Unis et, dans une moindre mesure, la France. Nairobi semble s'être saisi du "prétexte" - terme employé par plusieurs observateurs - d'une série d'enlèvements d'étrangers réalisés par des groupes somaliens en territoire kenyan pour lancer une opération qui se trouvait déjà "dans les cartons depuis plusieurs mois".

La décision, prise dans la précipitation, aurait surpris des alliés du Kenya, comme l'Ethiopie, qui prévoirait aussi d'intervenir bientôt en Somalie. Chacun des deux pays voisins se taillerait alors un fief dans le pays. Nairobi a déjà prévu d'y installer une administration dite "semi-autonome", le Jubaland, en théorie calquée sur celles qui se sont mises en place dans le nord du pays, le Somaliland et le Puntland. En réalité, un pouvoir fantoche permettant de contrôler certaines ressources, à commencer par celles du port somalien de Kismayo, utilisé par des réseaux de contrebande liés au Kenya, comme le dit un rapport des Nations unies, publié en juillet.

Si l'armée kenyane prenait le contrôle de Kismayo et établissait un Jubaland satellite, qui en prendrait la tête ? L'ex-ministre de la défense du TFG, docteur en anthropologie de l'université de Besançon, Mohamed Abdi Mohamed "Gandhi", semblait un bon candidat. Il avait créé en avril un groupe nommé Azania, constitué de soldats somaliens appartenant au clan des Ogaden, et entraînés par Nairobi à Isiolo (Kenya).

Les ambitions de cette petite armée de supplétifs ont été revues à la baisse. Equipés par Nairobi en armes livrées par la Chine, comme l'ont révélé des câbles de WikiLeaks, les 3 000 hommes d'Azania n'ont pas fait leurs preuves sur le terrain. Et l'Ethiopie s'était opposée à l'instauration d'une principauté ogadeni à ses portes : Addis-Abeba fait déjà face à une rébellion recrutant parmi ce clan, l'Ogaden National Liberation Front (ONLF).

Pour administrer Kismayo, il faudra compter avec les autres clans influents, surtout les Marehan, et les groupes armés les plus solides de la région, notamment les Brigades Ras Kamboni, ex-combattants islamistes "retournés" pour faire la guerre aux Chabab.

Toutefois, si Kismayo devait être prise par le Kenya, une autre solution est à l'étude. Des forces de l'Amisom pourraient y être déployées en provenance de Mogadiscio. Les troupes kenyanes pourraient alors être subitement intégrées dans la force de l'UA.

Une façon aussi de préparer le terrain pour un grand projet d'infrastructures dans la région. Lamu, le port traditionnel kenyan, plutôt dédié jusqu'ici au tourisme de luxe, serait transformé en terminal pétrolier permettant d'acheminer le brut des champs inexploités du Soudan du Sud et du nord du Kenya. De Lamu, un réseau ferroviaire et routier offrirait un accès maritime à l'Ethiopie comme au Soudan du Sud. Le projet, encore à l'étude, serait porté par des investissements chinois pour près de dix milliards de dollars (7,3 milliards d'euros). Mais il est incompatible avec une zone d'insécurité entretenue par les Chabab.

Avant d'en arriver là, le Kenya a encore du chemin à parcourir sur un terrain dangereux. En Somalie, l'avancée des Forces armées kenyanes (KAF) est plus laborieuse que prévu : les pluies n'ont pas cessé depuis deux semaines et les véhicules du corps expéditionnaire s'embourbent. En dehors d'accrochages au bilan tenu secret par les autorités, aucun affrontement sérieux n'avait encore eu lieu jeudi 3 novembre. En début de semaine, le major Chirchir, l'officier en charge de la communication des KAF, a annoncé, sur Twitter, que neuf villes, dont il dresse la liste, seraient désormais "sous la menace d'attaques permanentes" des forces de l'opération "Linda Nchi", que ce soit par des troupes au sol ou par des bombardements aériens.