vendredi 3 février 2012

Eric Fassin : pourquoi Aubry et Fillon n'ont pas débattu d'immigration


Jeudi soir sur France 2, après un débat économique très technique, Martine Aubry, invitée de l'émission « Des paroles et des actes », a – quelques minutes seulement – ouvert la discussion sur l'immigration, accusant Nicolas Sarkozy d'avoir laissé s'installer des passerelles avec l'extrême droite.
Elle s'est adressée à François Fillon de façon vive pour le mettre face aux différentes mesures prises durant ces années (Roms, discours de Grenoble, discours de Dakar). François Fillon s'est drapé dans sa dignité :
« Je ne peux pas vous laissez dire que le président de la République aurait laissé s'instaurer des passerelles entre l'extrême droite et [l'UMP]. Chacun sait que l'extrême droite est le principal adversaire du président de la République, de notre majorité. Et jamais je ne l'aurais accepté. »
Le bref passage sur l'immigration
Rue89 a demandé au sociologue Eric Fassin, spécialiste des questions d'immigration, de réagir à ce court échange entre le Premier ministre et la première secrétaire du PS.
Rue89 : L'intervention a été brève. L'immigration ne semble pas encore faire partie des grands débats de cette campagne alors même que c'est une question qui a dominé le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Pourquoi ? Est-ce un sujet de campagne comme les autres ?
Eric Fassin : La droite est prise entre deux exigences contradictoires :
  • d'un côté, il ne lui est pas possible de désavouer la dérive qui la rapproche toujours plus de l'extrême droite. Aussi le Premier ministre se met-il à raisonner comme son ministre de l'Intérieur : il parle d'« immigration incontrôlée » ;
  • d'un autre côté, la droite gouvernementale doit continuer de se démarquer du Front national, puisqu'elle prétend que c'est pour mieux le combattre qu'elle va sur son terrain, entre immigration et identité nationale.
Sur France 2, jeudi soir, François Fillon parvient à conjuguer habilement les deux logiques en réponse à Martine Aubry, qui l'interroge sur le discours de Grenoble : « Je ne peux pas vous laisser dire que le Président a laissé s'installer des passerelles avec l'extrême droite . » Autrement dit, il n'a rien à redire au tournant de l'été 2010 ; c'est donc qu'un tel discours n'aurait rien à voir avec le FN…. Forcément, sinon comment le Premier ministre s'en accommoderait-il ?
On le voit cependant : pour la droite, l'exercice est périlleux. D'autant qu'elle hésite à aller plus loin dans la xénophobie politique – non par humanisme, mais au vu des sondages, qui ne l'encouragent pas dans ce sens. Bref, elle se contente d'assumer son bilan. Encore peut-on s'interroger : comment la majorité peut-elle dénoncer une « immigration incontrôlée », alors qu'elle-même est au pouvoir depuis dix ans ?
Martine Aubry s'est montrée plutôt offensive jeudi soir mais si depuis 2007, les socialistes condamnent la politique d'immigration de l'UMP, ils ne proposent pas pour autant d'alternative réelle (ou du moins audible). Pourquoi la gauche a tant de difficultés à se saisir de ce sujet ?
La gauche n'est pas moins embarrassée que la droite. En effet, la droite décomplexée d'aujourd'hui a pour envers une gauche complexée. Beaucoup, à gauche, sont convaincus que la politique de la droite, en matière d'immigration, serait démagogique. C'est oublier que ni le débat sur l'identité nationale ni le discours de Grenoble n'ont bénéficié au Président dans les sondages : cette politique n'est pas populaire !
N'importe : l'opposition de gauche est convaincue qu'elle ne doit pas trop se démarquer de la droite, sous peine d'éloigner d'elle encore davantage les classes populaires. Elle s'est donc laissé imposer l'idée, contraire à la réalité, que la xénophobie d'en haut ne serait qu'un miroir tendu à la xénophobie d'en bas.
Elle hésite alors entre deux stratégies :
  • d'une part, imiter la droite, en reprenant par exemple le « cas par cas », mais « à visage humain », comme le faisait Ségolène Royal en 2007, et comme le fait aujourd'hui François Hollande ;
  • d'autre part, éviter le sujet. Pour l'instant, cette deuxième option est la stratégie dominante au PS.
Il suffit de voir comment la Fondation Terra Nova, proche de ce parti, a choisi, à ce jour, de ne pas publier la note consacrée à la politique d'immigration rédigée par l'économiste Mouhoub El Mouhoud. Quoi de plus inquiétant, en effet, qu'un expert légitime qui affirme avec force qu'il n'y a pas de « problème de l'immigration », et que le vrai « problème », c'est… la politique d'immigration ?
La semaine dernière, déconcerté par la question « êtes-vous pour l'immigration choisie », François Hollande répondait qu'il préférait l'expression « immigration intelligente » à « immigration choisie ». Comment interprétez-vous cette réponse ?
Manifestement, sur ce thème, François Hollande n'a guère envie de se mouiller… Qu'est-ce que ça veut dire, « immigration intelligente » ? Je n'en sais rien. Peut-être rien.
Pourtant, il serait difficile de croire que François Hollande ne se doute pas qu'un jour ou l'autre on va l'interroger sur l'immigration ! Le choix des mots trahit donc plutôt son désarroi : « immigration intelligente », à défaut de politique d'immigration intelligente...
Or, le seul moyen d'échapper au piège, ce serait de sortir du débat défini par la droite pour en refuser les termes. Bref, il faudrait refuser le « problème de l'immigration ».
Le plus frappant, c'est que la gauche le sait. La preuve ? Son soutien au droit de vote des étrangers s'avère payant : loin de lui coûter, ce choix rapporte aujourd'hui dans l'opinion, manifestement moins xénophobe qu'on ne veut nous le faire croire puisqu'elle y est très favorable.
Pourtant, la gauche n'ose aller plus loin, en poussant son avantage. Elle se veut raisonnable ; mais le problème n'est pas qu'elle vend son âme, mais plutôt qu'elle la vend sans nécessité, et sans en retirer de bénéfices…

Par rue89.com

Wade de moins en moins soutenu par les Occidentaux

Face au maintien de la candidature du président Abdoulaye Wade au scrutin présidentiel du 26 février et à la contestation de l'opposition, la communauté internationale prend ses distances.

La France et les Etats Unis ont pris ces derniers jours leurs distances avec le président sénégalais. Washington a souhaité voir un "passage de générations" à la tête de l'Etat sénégalais, tandis que le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a même assuré mercredi que "le message a été entendu à Dakar".

De son côté, le président sénégalais Abdoulaye Wade a comparé à une simple "brise" la manifestation de mardi contre sa candidature à la présidentielle, alors que l'opposition devait présenter jeudi un nouveau plan d'action. "Une brise est un vent léger qui secoue les feuilles des arbres, mais elle ne devient jamais un ouragan", a déclaré mercredi soir le président Wade, qui s'exprimait au cours d'une cérémonie publique à Dakar.

Dans un communiqué, le gouvernement a "condamné les actes de violence qui ont marqué le meeting du M23" et "regretté profondément les débordements qui ont malheureusement conduit à la mort" d'un jeune homme, "heurté accidentellement par un véhicule".

Commentant ces violences, la Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a exprimé sa "préoccupation" sur un "possible usage excessif de la force par les autorités".

Alors qu'il n'existe plus désormais aucun recours légal pour contester la candidature de Wade, les responsables du M23 multiplient les réunions depuis mardi, promettant "nouvelle stratégie" et "plans d'action" pour faire face à "la répression du gouvernement".

Par LEXPRESS.fr,