jeudi 15 mars 2012

Le trafic de cocaïne en hausse en 2010 et 2011 (rapport)

L’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) a indiqué dans un nouveau rapport que le trafic de cocaïne en Afrique était en hausse en 2010 et 2011, après avoir semblé reculer en 2008 et 2009.
‘’Le nombre croissant de saisies importantes de cocaïne ainsi dissimulées, réalisées en cours de transport vers des pays d’Afrique de l’Ouest ou dans ces mêmes pays en 2010 et 2011, vient confirmer cette évolution’’, souligne le dernier rapport de l’organe dont l’APS a obtenu copie.

 
‘’Les quantités de cocaïne passant par le continent africain semblaient avoir diminué en 2008 et 2009. Cependant, certains éléments laissent penser que les trafiquants ont simplement modifié leur modus operandi et trouvé de nouvelles méthodes pour faire transiter la cocaïne par l’Afrique de l’Ouest en la dissimulant dans des conteneurs de fret maritime’’, a expliqué le document.
Selon la même source, le trafic de cocaïne provenant d’Amérique du Sud et transitant par l’Afrique pour être acheminée vers l’Europe est devenue une ‘’grave menace’’.
L’OICS estime qu’il y a une hausse de l’usage illicite de cocaïne dans certains pays touchés par ce trafic rappelant que le cannabis demeure la drogue dont la culture, le trafic et l’usage illicite sont les plus répandus en Afrique.
Le rapport souligne que les pays d’Afrique du nord touchés par la révolution risquent d’être des cibles pour les trafiquants du fait de l’affaiblissement des services de détection et de répression.
L’OICS préconise de renforcer son soutien aux efforts des différents Etats pour combattre les menaces contre la paix, la sécurité posées par le trafic de drogues et la criminalité internationale.
Le trafic de l’héroïne également a connu une évolution avec la saisie record en 2011 effectuées au Kenya et en Tanzanie. La drogue transite aussi par le Mozambique pour passer en Afrique du Sud où elle est consommée ou introduite clandestinement dans d’autres pays d’Afrique australe et d’ailleurs, renseigne le rapport.
‘’Le Nigéria risque de devenir une plaque tournante du trafic de stimulants de type amphétamine, en particulier de méthamphétamine’’, avertit le rapport précisant qu’en 2010, les autorités nigérianes ont saisi deux chargements d’amphétamine et de méthamphétamine, soit une quantité totale de 63 Kg en partance pour les Etats-Unis via l’Afrique du Sud.
L’Union africaine prévoit de prendre en charge la question du trafic et de l’usage illicite de la drogue en examinant au cours de la prochaine session de la Commission prévue en 2012 à Addis-Abeba le plan d’action sur la lutte contre la drogue et la prévention du crime, informe le rapport.

Les 10 pays africains les plus corrompus

D’après un rapport de Transparency International, les pays africains sont énormément touchés par la corruption. Nombreux sont ceux qui stagnent au fond du classement:. Parmi eux, la Somalie touche le fond.Transparency International (TI) a publié ce rapport en décembre 2011 qui classe 185 pays en fonction de la perception de la corruption. Elle a établi le classement IPC (Indice de Perception de la Corruption) grâce aux données de dix-sept études provenant de treize institutions indépendantes.
L’ONG a attribué des notes de 0 à 10, 0 étant le plus faible niveau d’intégrité des pays. La grille de critère est ciblée: accès à l’information, renforcement des lois anti-corruption, pots-de-vin au cours d’acquisitions publiques, corruption officielle… Transparency International insiste bien sur le fait qu’elle ne mesure pas la corruption mais sa perception.
Les dix pays africains les plus corrompus sont classés dans les vingt-cinq derniers du classement.

10 – Zimbabwe

Avec un indice de le Zimbabwe est l'un des pays qui a le plus régressé avec une chute de vingt places par rapport à l'année précédente. L'instabilité du pays, l'inefficacité du système judiciaire sous la pression du pouvoir exécutif, le manque de transparence, le non-respect des droits des femmes, les listes électorales gonflées de centenaires décédés, la corruption est omniprésente et sévit à tous les niveaux. En 2009, un rapport commandé par l'ONU intitulé Zimbabwe, les diamants et le mauvais côté de l'histoire est publié. La corruption et le non-respect des droits de l'homme y ont été dénoncés. Les troupes militaires ont pris le contrôle des mines, chassé les mineurs et forcé la population locale à y travailler. Un embargo sur les diamants a été érigé puis levé en 2011. Ces «diamants de sang» continuent de se vendre sur les marchés. 
D'abord Premier ministre en 1980, Robert Mugabe a été élu président du pays en 1987. Depuis, il conserve durement sa place de leader. En 2008, il perd la majorité parlementaire mais réussi à conserver son poste avec le retrait de son opposant Morgan Tsvangirai, sous pression. Alors même que la pauvreté et le choléra ravage le pays, Mugabe ne lésine pas sur les moyens pour se faire plaisir, 750.000€ pour ses 88 bougies. Et à chaque anniversaire, ses partisans n'hésitent pas à collecter quelques dons de la part des entreprises.

9 – Guinée

En 2006, c’était le pays le plus corrompu d’Afrique et le quatrième du monde selon le classement IPC. Depuis, d’autres pays se sont incorporés au classement et la Guinée stagne toujours entre la 160ème et la 164ème place. Malgré tout, son indice a augmenté et se tient aujourd’hui à 2,1 point, toujours loin derrière le Botswana, premier pays africain avec 6,1/10.

8 – Angola

Ex aequo avec le Tchad, la RDC et la Libye, l’Angola tient la 168 ème place. Après 27 ans de guerre civile, la corruption est ancrée dans tous les domaines. En 2011, 70% de la population survivait avec moins de 2€ par jour. Pourtant, l’Angola est l’un des premiers producteurs de pétrole et Luganda, sa capitale, l’une des plus chère à vivre. José Edouardo Dos Santos est au pouvoir depuis plus de 30 ans, nomme son vice-président ainsi que les membres de la Cour Constitutionnelle, validant les lois. L’un des signes flagrant de corruption est une loi abrogée en 2010. Elle stipule que «toutes les terres appartenant à l’Etat peuvent être attribuées à des particuliers en fonction de projet d’intérêt national».
L’une des figures de la lutte contre la corruption est Raphaël Marques. Ce militant pour les droits civiques et journaliste indépendant, a créé l’ONG Maka Angola pour lutter contre la corruption dans son pays. Il a également réalisé une enquête démontrant comment l’Angola est devenu le site de transactions commerciales douteuses.

7 – Tchad

Bien que la corruption soit encore présente, le Tchad est le seul pays à progresser: il monte de deux rangs par rapport au dernier classement avec le faible score de 2 points. Cependant, tout est loin d’être acquis. Depuis 2011, le gouvernement tchadien a lancé une campagne anti-corruption dirigée par le ministère du Contrôle d’Etat et de la Moralisation. Trois membres du gouvernement sont tombés pour la passation douteuse d’un marché de fournitures scolaires ayant couté 2 milliards de francs CFA, soit environ 3 millions d’euros.
Nouveau rebondissement en cette année 2012. Fin février, le ministre chargé de ce ministère tombe lui aussi pour corruption. Il aurait détourné des milliers de dollars destinés… à la lutte contre la corruption. Arrêté, il nie être responsable de ce détournement. Selon une source policière, Ahmadaye Al Hassan aurait dérobé environ 360 millions de francs CFA, soit près de 550.000 euros.

6 – République Démocratique du Congo

La corruption est profondément ancrée dans la société en RDC. Selon l’économiste congolais Oasis Kodila Tedika, 55% des recettes du trésor public se volatilisent à cause de la corruption. Comme il le souligne, elle s’est inscrite dans les mœurs et touche la population à tout moment du quotidien.
Oasis Kodila Tedika prend comme exemple phare la situation des transports en RDC, conséquence directe de la corruption sur l’économie congolaise. Les taxis et taxis-bus sont contraints de payer régulièrement les forces de l’ordre pour pouvoir circuler : pour un simple contrôle de véhicule ou un droit de passage. 8% des recettes journalières sont prélevées, ce qui constitue une perte pouvant aller jusqu’à 60% de leur revenu moyen. En plus des retombées économiques, ce phénomène influe sur le trafic et crée un déséquilibre sur les transports en commun: embouteillages, contournements d’itinéraires…

5 – Libye

Ce pays est l’unique Etat du Printemps arabe de ce Top 10. Il a perdu 22 places par rapport au classement précédent. Après la chute de Mouammard Kadhafi, les milices ont pris le contrôle de la Libye et torturent en toute impunité. De nombreux villes et villages possèdent leur propre groupe armé. Ces différentes milices s’affrontent pour contrôler les routes et carrefour qui sont de véritable source de revenus. Elles imposent amendes, taxes diverses et droit de passage aux automobilistes. Le Conseil National de Transition élu fin 2011 va devoir faire ses preuves tant dans la lutte contre la corruption que dans l’encadrement de ces milices.

4 – Burundi

Phénomène social très répandu, la corruption s’est infiltrée dans tous les domaines, de la politique à la santé et la confiance dans l’Etat ne cesse de se détériorer. En février 2012, l’Union Européenne a demandé officiellement l’indépendance de la justice au gouvernement burundais. Le militant anti-corruption Faustin Ndikumana a été écroué deux jours avant cette annonce et il a été relâché quelques temps après.
Cette année, le gouvernement a sollicité l’aide de la Transparency International pour lutter contre la corruption. Au Burundi, l’accès au soin est mis à la mal à cause de la corruption. Fin février, le deuxième vice-président Gervais Rufyikiri a recommandé la création de comités de contrôles de l’état de la corruption dans les hôpitaux et au ministère de la Santé publique.

3 – Guinée Equatoriale

Teodoro Obiang Nguema est considéré comme l’un des chefs d’Etat les plus riches au monde. A la tête de la Guinée Equatoriale depuis 1979, il prépare son fils Teodorin à prendre la relève. La famille présidentielle est réputée mondialement pour ses frasques. Ministre de l’Agriculture et des Forêts, vice-président du parti au pouvoir, Teodorin fait l’objet de plusieurs enquêtes de blanchiment d’argent et de corruption aux Etats-Unis, mais aussi en France et en Espagne.
Le Sénat américain soupçonne un détournement de plusieurs milliards de recettes pétrolières nationales transférées sur un compte off-shore contrôlé par Teodoro Obiang Nguema. L’affaire des biens mal-acquis, très médiatisée, a été impulsée par une plainte de Transparency en ce début d’année et le fils du président est encore une fois dans le viseur de la justice. Mi-février, son appartement parisien a été perquisitionné: au total plus de 2.000 m² et de nombreuses œuvres d’arts.

2 – Soudan

Le Soudan a été sectionné en deux officiellement le 9 juillet 2011 avec l’indépendance du Sud-Soudan mais un seul et unique IPC a été calculé. Ravagés par la guerre, ces deux pays souffrent de la corruption. Principalement utilisée par les fonctionnaires, elle affaiblit l’administration et rend le budget laxiste. Aucun accès à l’information gouvernementale n’est proposé au public et les gouvernements se gardent bien de les filtrer.
Seulement une institution anti-corruption a été mise en place dans chacun des pays. Le Sud-Soudan a créé la commission SSACC en 2006. Elle n’avait aucun pouvoir de poursuite mais le gouvernement a assuré qu’elle aurait un nouveau statut courant 2011/2012. Cette année, les généraux de l’armée Sud-Soudanaise ont rencontré la SSACC afin de déclarer leurs revenus et leurs actifs. Les comptes de forces armées n’avaient pas été vérifiés depuis 2005. Un premier pas dans la lutte contre la corruption, reste à savoir si cette enquête portera ses fruits.

1 – Somalie

Ex æquo avec la Corée du Nord, la Somalie prend la dernière place du classement. Plongée dans la guerre civile depuis plus de 20 ans, la Somalie frôle le fond avec une note de 1/10. Le peuple somalien souffre de la famine et les différentes milices, notamment à Mogadiscio, rendent la vie insupportable pour la population. Un groupe d’observation des Nations Unies a affirmé que de nombreuses aides alimentaires ont été siphonnées par différents groupes armés. En janvier 2011, le gouvernement a voulu lancer une campagne anti-corruption dans l’administration sans grand effet. Tant que la situation géopolitique s’aggravera d’année en année, la Somalie ne parviendra pas à se débarrasser de la corruption et sa note continuera de se dégrader (chute de 0,1 point par rapport à l’ICP 2010).


Justine Gonsse



PRESIDENTS-MINISTRES: une nouvelle tendance africaine

Le portefeuille de la Défense dans un gouvernement est stratégique. Cela est évident même dans les pays à démocratie très avancée. L’enjeu de ce département ministériel est encore plus remarquable en Afrique où la construction des républiques est en plein chantier. Le processus de démocratisation y est titubant et son rythme va au gré de l’humeur ou des désidératas des armées encore en phase d’adaptation.

Les hommes en treillis sont donc le plus souvent à la base des chutes de pouvoirs qui se veulent démocratiques ou qui se considèrent comme tels. Les grandes muettes africaines n’hésitent en effet pas à profiter d’un malentendu entre dignitaires des systèmes ou d’une instabilité quelconque pour s’emparer du pouvoir. C’est sans doute pour se prémunir contre ces désagréables surprises que bien des chefs d’Etat du continent noir préfèrent confier le département de la Défense à un proche et fidèle ami, mieux, à un frère, un cousin ou autre parent par alliance. Certaines têtes couronnées africaines, sans doute volontairement séduites par l’adage qui dit que l’on n’est jamais trop prudent, optent de ne faire confiance qu’à elles-mêmes.

Elles s’adjugent ainsi la fonction de ministre de la Défense, qu’elles assument cumulativement avec celle de chef de l’Etat avec tous les corollaires qui l’accompagnent. C’est ainsi qu’en Guinée Conakry, au Burkina Faso et tout récemment en Côte d’Ivoire, les présidents Alpha Condé, Blaise Compaoré et Alassane Dramane Ouattara (ADO) cumulent les nombreuses fonctions de Président de la République, président du Conseil supérieur de la magistrature, président du Conseil des ministres, chef suprême des armées et ministre de la Défense.

Les contextes post-crises marqués par des velléités de contestations, de révoltes et de manifestations déterminées et violentes dont l’issue est parfois difficile à pronostiquer, y sont probablement pour quelque chose dans cette propension des chefs d’Etat à s’octroyer des pouvoirs exorbitants. Certes, une approche qui se voudrait provisoire et qui permettrait juste au nouvel homme fort du pays de remettre de l’ordre dans les institutions, pourrait à la limite être tolérable parce que tout de même raisonnable. Mais quand le circonstanciel tend à se pérenniser au point de devenir permanent, il y a quand même de quoi s’inquiéter pour la bonne marche de l’Etat de droit.

Cette nouvelle tendance bien africaine qui fait des présidents des ministres qui sont pourtant censés être nommés par des Premiers ministres eux-mêmes nommés par les chefs d’Etat, manque d’élégance démocratique, de logique et de finesse politique. Elle favorise l’apparition d’une nouvelle race de chefs d’Etat à multiples casquettes. Ces derniers auront du mal à convaincre de leur bonne intention en arguant du caractère stratégique et souverain du ministère de la Défense. D’autres portefeuilles comme ceux de la diplomatie, de la sécurité, du budget et surtout de l’agriculture pour des pays africains sont tout autant primordiaux.

Ceux-ci ne sont pas non plus dépourvus de souveraineté ni de stratégie dans la mesure où aucune indépendance militaire ne peut s’exercer sans une autodétermination alimentaire, sécuritaire et diplomatique, pour ne retenir que ces exemples. Cette évolution implicite d’un régime à dominance présidentielle vers un présidentialisme qui ne dit pas son nom est encore une de ces nombreuses spécificités africaines qui confinent à une incongruité qui s’écarte de la norme universelle. La tendance actuelle dans le monde est à la séparation réelle des pouvoirs et au renforcement des institutions républicaines.

Une évolution positive d’ensemble qui s’accommode mal à la subordination et la concentration de pouvoirs dans les mains d’une seule personne, eût-elle reçu l’onction du peuple. Une pratique qui contribue d’ailleurs à tirer la démocratie vers le bas en ramant à contre-courant du bienfaisant vent du changement qui a enfin commencé à souffler sur les côtes africaines. Cette trop grande prudence dont font montre les présidents-ministres d’aujourd’hui est en outre symptomatique d’une crise de confiance qui prévaut entre eux et leur entourage d’une part et entre eux et le peuple d’autre part.

Un manque de confiance qui ne favorise pas l’avènement d’une bonne gouvernance en Afrique et qu’il faut travailler à restaurer. L’une des promesses de campagne d’ADO est pourtant celle de faire de la séparation véritable des pouvoirs son principe de gouvernance. Aussi avait-il promis, une fois élu, de se délester de sa prérogative de président du Conseil supérieur de la magistrature au profit d’une personnalité qui serait libre parce qu’élue par ses collègues magistrats et non nommée par qui que ce soit.

Le président ivoirien est sans doute plus préoccupé par la réconciliation et la mise en place des structures étatiques. Toutefois, il ne doit pas perdre de vue que le bon fonctionnement des institutions, occupe une place de choix dans la reconstruction d’un pays. Si, une fois son pays stabilisé, il avait le sage réflexe de confier le portefeuille de la Défense à un ministre avec pleins pouvoirs, il aurait montré à ses « aînés » la voie à suivre.



« Le Pays »