mercredi 21 septembre 2011

L'Algérie, un « pays pathétique » selon des diplomates français














« Pays pathétique », « bloc monolithique », « deux cents têtes » qui font la pluie et le beau temps, « peuple tué, qui n'a pas plus de ressort »… Les propos précédents ne concernent pas la Somalie, le Zimbabwe ou un autre pays déglingué de l'Afrique mais plutôt l'Algérie de Bouteflika.
Et ceux qui font ce constat aussi effrayant que pessimiste ne sont pas de simples quidams mais des diplomates chevronnés. C'était le 31 août, 1 et 2 septembre derniers à Paris lors de la XIXe Conférence des ambassadeurs de France.
Rendez-vous de la diplomatie qui réunit l'ensemble des 181 chefs de mission diplomatique français et les responsables de l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères et européennes, le grand raout est l'occasion pour les journalistes de discuter avec les diplomates français installés aux quatre coins du monde.
A la condition que les propos soient « off », c'est-à-dire que la source ne doit en aucun cas être citée.
Sont donc présents à cette conférence, les ambassadeurs de France accrédités en Afrique du Nord. Au tour de petits fours et d'une coupe de champagne, les langues se délient.
Dans un compte rendu publié par l'hebdomadaire Valeurs actuelles (8 septembre), on apprend comment les diplomates peuvent fondre l'armure, se délivrer de l'obligation de réserve et se lâcher.

« C'est un mastodonte qui va nous gêner »

Et sur l'Algérie, leurs propos sont cruels, sans concession. L'Algérie est vue comme « un pays pathétique ». Un « bloc monolithique » qui « ne comprend rien, il est dépassé ». Le régime évolue avec « deux cents têtes » qui font la pluie et le beau temps, « les autorités continuent à contresens ». Les Algériens sont épuisés, cassés.
« Cela fait de la peine de voir ce peuple tué, qui n'a plus de ressort. »
Alors que la Tunisie s'est débarrassée de 23 ans de dictature de Ben Ali, que l'Egypte à enterré celle de Moubarak, que le Maroc a engagé de profondes réformes politiques en réformant la Constitution, que la Libye a dégagé le tyran Kadhafi, l'Algérie reste en marge des grandes mutations que connaît l'Afrique du Nord. Constat des diplomates :
« C'est un mastodonte qui va nous gêner. »

« Un pays plus riche que jamais » mais un « peuple malheureux »

Evidemment, ces constations tranchent radicalement avec le discours convenu, compassé que tiennent publiquement diplomates et responsables français sur l'Algérie.
Bien sûr, loin des caméras et des micros, les dirigeants français, de gauche comme de droite, nourrissent une vision très critique à l'égard du pouvoir algérien, désespèrent de la situation économique et redoutent que les responsables ne soient pas en mesure de maitriser une éventuelle explosion qui menace le pays.
Les propos rappellent étrangement l'analyse faite en février 2008 par l'ambassadeur US à Alger, Robert S. Ford. Dans un câble classé secret, le diplomate, aujourd'hui en poste en Syrie, décrivait l'Algérie comme un « pays plus riche que jamais », mais « à la dérive » que les Algériens sont un « peuple malheureux », que le DRS, les services de renseignements, sont « paranoïaques ».

La Tunisie, un pays qui « tourne »

Si les diplomates français se montrent pessimistes à l'égard de l'Algérie, leurs analyses de la situation en Tunisie et un degré moins au Maroc sont nettement plus positives.
En Tunisie comme en Egypte, écrit le journaliste de Valeurs actuelles, « le pays tourne, l'administration et les institutions fonctionnent ». La menace islamiste ? Ils ne constituent pas une force capable de réaliser un raz-de-marée lors des élections du 23 octobre. A peine 25% de l'électorat.
« Les islamistes sont un mouvement divisé et composite. Ils n'ont pas de modèle politique. Ils ne veulent pas le pouvoir. »
Alors que le gouvernement français a été fortement chahuté en janvier 2011 peu après la chute de Ben Ali, les rapports entre Tunis et Paris se normalisent. Et le business redémarre.
Le pays a bénéficié d'une aide de 350 millions d'euros, le nombre de visas accordés aux Tunisiens est porté à 90 000 et les investissements directs de la France sont de 1,3 milliard d'euros. Un climat d'affaires favorable aux 1 270 entreprises françaises actives en Tunisie.

Le Maroc ? « Si cela ne tenait qu'à Mohammed VI… »

L'analyse des diplomates sur la situation au Maroc est légèrement plus nuancée. A l'instar des autres pays du Maghreb, le royaume n'a pas été épargné par la contestation sociale, portée dans la rue essentiellement pour le Mouvement du 20 février.
A défaut d'être un handicap pour le Palais, ce mouvement a été plutôt un atout. Propos de diplomates :
« Le souverain a trouvé avec ce mouvement l'outil qui lui a permis de balayer des obstacles qui le gênaient pour appliquer les réformes promises depuis des années. »
La Constitution proposée par Mohammed VI et adoptée par référendum en juillet 2011 est « bonne » « mais les partis ne semblent pas prêts à entrer dans le jeu ».
Le roi Mohammed VI voudrait accélérer les changements, mais il est freiné.
« La vitesse du changement n'est pas garantie. Si cela ne tenait qu'au roi, il irait plus loin et plus vite. »
Photo : Saïd Sadi, président fondateur du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), débat avec un policier lors d'une manifestation antigouvernementale à Alger, le 26 février 2011 (Louafi Larbi/Reuters).
En partenariat avec les Dernières nouvelles d'Algérie


Occupation, menaces : la guerre du Kivu chez SOS Racisme

Lundi 19 septembre. 15h45, avenue de Flandres dans le XIXe arrondissement à Paris. Une vingtaine de personnes, qui se disent « Français d'origine congolaise » ou « Congolais vivant en France » tentent de pénétrer par la force dans les locaux de l'association SOS Racisme. Certains vont jusqu'à menacer de « brûler » le local ou tuer des permanents de l'association. Après avoir occupé pendant une heure le hall, les forces de l'ordre font ressortir les manifestants. L'association a de son côté déposé plainte.
De retour dans la rue, Rex Kazadi, qui se revendique comme le porte-parole d'un groupe de « combattants » congolais, explique pourquoi il s'en prend à SOS Racisme.


Les "combattants" congolais s'en prenne au local... par Rue89Video

Pour cet homme qui dit être arrivé en France à l'âge de 7 ans, l'association fait deux poids, deux mesures, et ne s'intéresse qu'aux Rwandais, et pas au problème « bien plus important » de la RDC (ex-Zaïre), arguant que plusieurs millions de personnes ont été massacrées en RDC par des Tutsis, dirigés par des hommes de Paul Kagamé, président du Rwanda. Des rebelles tutsis ont commis depuis des années en RDC, dans la région du Kivu, les pires crimes de guerre.
Quelques minutes plus tard, les « combattants » seront emmenés par la police.
Pourquoi l'association a-t-elle été harcelée au téléphone toute la journée de lundi, avant d'être ainsi assiégée ? C'est un communiqué de l'association qui a soulevé la colère de ces Congolais. Dans ce texte, l'association dénonce :
« Les agressions racistes dont furent victimes de nombreux Rwandais, autour de la visite officielle de Paul Kagamé en France, notamment en marge de sa rencontre à Aubervilliers avec la diaspora rwandaise, perturbées par des manifestations d'opposants.
Les attaques perpétrées par des groupes, vraisemblablement issus de RDC, ont ciblé des individus isolés, qui ont été insultés, agressés et tabassés dans les transports en commun ou encore dans la rue. »

« On vous tuera un à un »

Quinze personnes au moins ont été victimes de ces agressions, qui visaient directement des Rwandais identifiés comme Tutsis, a en croire les slogans rapportés par ces derniers. « On vous tuera un à un, jusqu'au dernier » : vieille rengaine utilisée pendant le génocide de 1994. Certains ont porté plainte la semaine dernière auprès des autorités françaises, et seront appuyés par SOS Racisme qui se dit prêt à se porter partie civile.
Alain est tutsi, et vit à Paris depuis de lonques années. Il parle sous un nom d'emprunt par peur des représailles. Il est venu en France pour fuir les massacres et y « trouver une sorte de refuge ». Alertés par des proches sur ces agressions qui l'ont « choqué », il est même « un peu inquiet ». Il ne croyait pas que de tels actes « puissent se produire à Paris » :
« Ce slogan, “on vous tuera un à un”, c'est l'un des plus représentatifs des pogroms de Tutsis qui avaient lieu au Rwanda. »
Le génocide des Tutsis (plus de 800 000 morts entre avril et juillet 1994), provoque encore, dix-sept ans après le drame, de violentes tensions, y compris en France, et cette plaie n'est décidément pas prête de se refermer.