mardi 3 avril 2012

La Cédéao annonce un embargo "total" contre le Mali

Alors que l'on se demande qui gouverne aujourd'hui Bamako, la capitale malienne, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), a annoncé, lundi 2 avril au Sénégal, de nouvelles mesures pour tenter de trouver une issue à la crise.

Elle a tout d'abord décidé un "embargo total" contre la junte au pouvoir depuis le coup d'état du 22 mars contre le président Amadou Toumani Touré (ATT). "Toutes les mesures diplomatiques, économiques, financières et autres sont applicables dès aujourd'hui (lundi) et ne seront levées que quand l'ordre constitutionnel (sera) effectivement rétabli", a annoncé le chef d'Etat ivoirien, Alassane Ouattara, président en exercice de la Cédéao. "Nous avons demandé que l'embargo soit total".

FORCE MILITAIRE D'ATTENTE

Il y a quatre jours, la Cédéao avait donné aux "tombeurs" du président Amadou Toumani Touré jusqu'à lundi pour opérer un retour à l'ordre constitutionnel, sous peine de lourdes sanctions économiques.

La Cédéao a par ailleurs décidé "de la mise en place immédiate" de sa force militaire "d'attente". "Nous avons décidé de la mise en place immédiate de la force d'attente de la Cédéao, en demandant au comité des chefs d'état-major de se réunir dès cette semaine à Abidjan pour voir les modalités d'activation de cette force", a précisé M. Ouattara.

LES ISLAMISTES PRENNENT TOMBOUCTOU


La rébellion touareg et les groupes armés islamistes qui ont pris le contrôle de la quasi-totalité du nord du pays ce week-end (près de la moitié du territoire), ont devant eux un boulevard presque vide de forces armées, si elles souhaitent poursuivre leur avancée vers des villes voisines.

Mais les islamistes d'Ansar Dine (Défenseur de l'islam) et d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) ont pris le contrôle de Tombouctou et en ont chassé les rebelles touareg, selon des sources concordantes.

Iyad Ag Ghaly, chef d'Ansar Dine "est venu ce matin avec cinquante véhicules. Ils ont pris la ville, chassé les gens du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), qui étaient là, ont brûlé le drapeau du MNLA et ils ont mis leur drapeau au camp militaire de la ville", a affirmé Moussa Haïdara, caméraman qui a filmé l'entrée dans la ville d'Iyad Ag Ghaly. Cette information a été confirmée par des habitants de la ville, dont le responsable d'un des principaux hôtels de Tombouctou.

Des centaines d'habitants de la ville de Mopti, au centre du pays, ont déjà fui devant leur avancée, selon des témoignages d'habitants. La ville est proche de la route qui relie Bamako à Gao, capitale d'une des trois régions du nord du pays désertées par les forces de l'ordre durant le week-end. "Les gens sont paniqués, même les militaires fuient", a affirmé une mère de famille travaillant à Sévaré, ville proche de Mopti abritant un camp militaire.

PARIS RECOMMANDE AUX FRANÇAIS DE QUITTER LE PAYS

"La situation se dégrade très rapidement", a déclaré Alain Juppé qui a conseillé aux Français "dont la présence n'est pas indispensable" de quitter le Mali, où la France "ne s'engagera pas militairement". Le Quai d'Orsay a par ailleurs annoncé que le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait être saisi par Paris des éventuels "besoins" de la Cédéao pour régler la crise.

Sous pression, la junte avait promis dimanche le retour à un pouvoir civil et une transition vers des élections à une date non précisée. Elle a aussi pris "l'engagement solennel" de rétablir immédiatement la Constitution de février 1992, ainsi que les institutions républicaines dissoutes lors du coup d'Etat. Elle n'a pas pour autant l'intention de laisser le pouvoir immédiatement, mais souhaite "permettre une transition dans de bonnes conditions" jusqu'à l'organisation d'élections.

Lire : "Au Mali, l'armée en fuite se replie sur Bamako"



L'avancée fulgurante de la rébellion touareg du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et des groupes islamistes qui la soutiennent a été en grande partie rendue possible par l'armement lourd ramené de Libye par des centaines d'ex-rebelles des années 1990. Accueillis à Tripoli du temps de Mouammar Kadhafi, ils ont combattu à ses côtés avant la chute de son régime en août 2011.

La junte au pouvoir, dirigée par le capitaine Amadou Sanogo, avait justifié son coup d'Etat du 22 mars par "l'incompétence" du président ATT à combattre la rébellion dans le nord et par le manque de moyens donnés à l'armée pour les combattre. L'armée avait été particulièrement choquée par l'exécution sommaire, en janvier, d'une centaine de soldats à Aguelhok (nord-est).

La commission d'enquête mise en place par le gouvernement du président ATT avait affirmé avoir recueilli "des preuves et des témoignages des rescapés militaires et civils" corroborant "un mode d'exécution" pratiqué par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), très présent depuis 2007 dans le nord du Mali. Mais le coup d'Etat du 22 mars a eu pour effet d'accélérer l'offensive du MNLA et de ses alliés du moment.