lundi 27 août 2012

Togo: Faure face à son peuple et à… son destin politique

Si la vigueur d’une opposition se mesure à l’aune de sa ténacité et de son courage, alors celle du Togo possède cette qualité. En effet, depuis des décennies, cette opposition a payé un lourd tribut pour son combat pour l’avènement d’un des fondamentaux de la démocratie : l’alternance.

C’est que cette dernière est composée d’une race de politiques, espèce d’ailleurs en voie de disparition sur le continent, prête à tous les sacrifices face à un pouvoir qui a longtemps cultivé l’autisme et l’autoritarisme.

Opposants blessés comme «Gil» (1992), tués comme le jeune Tavio Amorin en 1994, embastillés (Yawo Aghoyibo (1994). On ne saurait oublier le dernier bombardement du domicile de Jean-Pierre Fabre en juillet dernier. La liste est loin d’être exhaustive ; autant d’actes qui auraient pu calmer les velléités de changement de ces adversaires du pouvoir. Las !

Ces dernières semaines, notamment depuis la mi-juin, et deux ans après ces itératives marches et sit-in contre ce qu’elle appelle le «coup d’Etat permanent», elle a encore haussé le ton et redoublé d’ardeur.

Requinquée par le mouvement «Sauvons le Togo», conglomérat de 9 organisations de la société civile et de 7 partis d’opposition, ces adversaires ont rappelé au mauvais souvenir du pouvoir, que, même si le printemps arabe n’a pas atteint le Sahel, les peuples ne peuvent plus être gouvernés contre leur gré.

Gilbert Bawara, qui succède à Pascal Bodjona au très sensible ministère de l’Administration territoriale, fait là son baptême du feu.

Il doit gérer les humeurs d’une opposition qu’il connaît bien, des adversaires qui, quoique affaiblis par les scissions et les fusions-absoptions de leurs partis, n’en continuent pas moins de donner des estocades au régime de Faure.

Dispersés le 21 août 2012, pour avoir voulu marcher dans le quartier Deckon, les militants de «Sauvons le Togo», par la voix de son coordonnateur, Zeus Ajevon, exigent, ni plus ni moins, le départ du chef de l’Etat. Désormais, selon ce mouvement, leurs marches ne seront plus précédées de demandes d’autorisation, et elles seront régulières.

Bien que Faure Gnassingbé sache que, pour le moment, il n’y a pas véritablement péril en la demeure, il a été bien inspiré d’inviter les marcheurs à des échanges, invitation déclinée par les empêcheurs de gouverner en rond. Il a bien joué également en les laissant marcher ce 23 août 2012.

A vrai dire, si dès avril 2005, à son premier mandat, le jeune président a cultivé l’humilité, la compassion, la tolérance, bref si Faure a un peu fait la cour à ses opposants, c’était juste pour conjurer le spectre du chaos ethnique, bien réel à l’époque. Les deux Togo n’ont d’ailleurs pas totalement disparu, loin s’en faut.

Une câlinothérapie qui s’est poursuivie au second mandat, et qui a finalement convaincu, pour ne pas dire vaincu le sphinx d’Aneho, Gilchrist Olympio, qui s’est rallié à l’Union pour la République (UNIR), l’ex-RPT, le Parti présidentiel ; une victoire qui signe la fin d’une lutte politique de l’ennemi de son père et qui a eu des conséquences très fâcheuses sur l’opposition.

Il est vrai que certaines méthodes du président togolais rappellent qu’il est bien le légataire d’un système qui n’a pas disparu. Cependant, pour négligeables qu’elles soient, ces actions de «Sauvons le Togo» signifient une chose : la victoire de Faure est toujours contestée par une partie de son peuple ; ensuite, on ne peut pas gouverner un pays avec des marches, des sit-in, des casses, des courses-poursuites et des emprisonnements permanents. Ça vous pourrit un mandat.

Quand bien même on sait que le pouvoir peut compter aussi sur le temps, qui ramolit tout, Faure se retrouve aujourd’hui face d’abord à son peuple. Plus de 30% de votants, officiellement selon les résultats de la présidentielle de 2010, ne le reconnaissent pas comme président élu. C’est énorme quand on connaît le contexte togolais et les conditions du scrutin. Des contestations perpétuelles sont dangereuses quel que soit le pays.

Le n°1 togolais est également face à son destin politique. De sa capacité à surmonter ces péripéties politiques, et surtout à brûler les scories de l’époque d’Eyadéma dépendra son avenir politique. 2015, c’est politiquement loin en temps d’accalmie, mais lorsqu’il y a la tempête…

La Rédaction ( africatime.com)