mercredi 14 septembre 2011

Affaire Bourgi: difficile enquête en perspective pour la justice

 Le parquet de Paris a ouvert mardi 13 septembre une enquête préliminaire pour entendre l'avocat Robert Bourgi, qui a accusé Jacques Chirac, Dominique de Villepin et Jean-Marie Le Pen d'avoir reçu des fonds occultes de chefs d'Etat africains. Reste que pour cette enquête, le parquet dispose d'une marge de manœuvre pour le moins étroite.

Au terme de cette enquête préliminaire confiée à la brigade financière, le parquet peut décider soit d'ouvrir une instruction et de la confier à un juge si les faits sont avérés, soit de classer l’affaire, si les enquêteurs estiment que les faits sont impossibles à prouver ou qu’ils sont prescrits.
Il faut à ce titre rappeler les allégations de Robert Bourgi. Concernant les fameuses valises de billets remises à Jacques Chirac et à Dominique de Villepin, l’homme de l’ombre de la Françafrique n’a cessé de répéter qu’il n’y avait pas de preuves. Mieux, pour le financement de la campagne électorale de Jean-Marie Le Pen en 1988, Robert Bourgi fait parler les morts pour étayer ses dires.
« Je n’aime pas faire parler les morts », dit-il, mais « Jean-Marie Le Pen a été reçu par le président Omar Bongo et le président gabonais a accepté de financer sa campagne ». Seulement, sans éléments matériels, ces propos ont réellement peu de chances de prospérer.
Pas le début d’une preuve
C’est la raison pour laquelle la justice n’avait d’autre choix que d’entendre Robert Bourgi. Au risque, sinon de se décrédibiliser. Et si jamais Robert Bourgi confirme ses dires sur procès-verbal, les enquêteurs devront nécessairement confronter sa parole à celle de Jean-Marie Le Pen, de Dominique de Villepin et bien sûr de Jacques Chirac. Reste à savoir si Jacques Chirac pourrait répondre aux questions des enquêteurs, car il est, comme on le sait, victime de troubles de la mémoire.
Il faut également resituer l’ouverture de cette information judiciaire dans le cadre du jeu des chaises musicales qui a lieu en ce moment même au palais de justice de Paris. Le procureur de Paris qui vient d’autoriser cette enquête, Jean-Claude Marin, cède son poste ce vendredi. Il rejoint la cour de cassation, au poste de procureur général. Il se devait d’agir, mais laisse à son successeur, un proche de l’Elysée, le soin de gérer cette boule puante.
Un séisme politique à huit mois de la présidentielle
Une enquête difficile démarre car il n’y a pas le début d’une preuve. D’où provient cet argent, où sont allées ces valises de billets, voilà les questions posées aux policiers…La plus grande incertitude pèse aujourd’hui sur l’issue de l'enquête.
Alors que Dominique de Villepin vient d’être relaxé définitivement dans l’affaire Clearstream, l’ex-Premier ministre dit voir dans ces accusations un moyen de maintenir la pression sur lui. A la sortie du palais de justice, Dominique de Villepin a ainsi annoncé  vouloir croire que « cette décision contribuera à rendre notre vieux pays moins vulnérable à la rumeur et la calomnie, qui ne méritent que du mépris ».
L'affaire Clearstream a donné lieu à un affrontement sans précédent au plus haut niveau de l'Etat. A en croire Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy promettait en privé de pendre les responsables à un « croc de boucher ».
A huit mois de l’élection présidentielle, les accusations portées par Robert Bourgi, qui est un proche de l’Elysée, pourraient bien relancer la guerre que se livrent depuis six ans les deux grands rivaux de la droite française.