jeudi 22 septembre 2016

Alain Mabanckou : « Les dictateurs croient avoir le temps, mais la montre est au peuple »

L’auteur franco-congolais Alain Mabanckou à l’inauguration de la session de leçons qu’il a données au Collège de France en mai 2016.

L’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou vient de publier Le monde est mon langage (Grasset, 2016), un essai engageant et vagabond d’excellente facture. L’auteur de Verre cassé rend hommage aux auteurs qui l’ont nourri, de la Sénégalaise Aminata Sow Fall au Français Jean-Marie Gustave Le Clézio, en passant par l’académicien d’origine haïtienne Dany Laferrière. Attentif aux revendications des jeunesses africaines, Alain Mabanckou pressent un vent contestataire se lever sur le bassin du Congo. Prophétique ?

Dans votre dernier essai, vous mettez à nouveau en avant Pointe-Noire, votre ville natale. Pourriez-vous nous parler un peu plus de Brazzaville ?

Alain Mabanckou Pointe-Noire demeure mon obsession dans la création, tandis que Brazzaville est une ville que j’ai découverte un peu plus tard lorsque j’étais étudiant. Pourtant, on ne rappelle jamais assez que Brazzaville était la capitale de la France libre de 1940 à 1942, et on ne parle souvent que de l’Appel lancé le 18 juin 1940 par le général de Gaulle à Londres ! Cette ville demeure le lieu de notre histoire africaine, mais aussi le refuge de la France pendant qu’elle était occupée par les nazis. C’est pour cela que j’avance souvent que tous les Français sont des Congolais et qu’au regard de la place que Brazzaville a occupée dans l’Histoire, on ne devrait même plus embêter les Congolais mais leur dire merci tous les jours, voire décréter en France une journée de mémoire pour cette page de l’histoire des Français…

Vous avez récemment mis en évidence cette entité que vous avez appelée le bassin du Congo ? Qu’est-ce qui la caractérise ?

J’ai en effet parlé de « révolution du bassin du Congo » pour circonscrire ce qui se passe actuellement en Afrique centrale sur le plan politique. Je fais référence au Congo-Brazzaville, à la République démocratique du Congo (RDC), au Gabon, au Cameroun, à la République centrafricaine et à l’Angola, à cette boucle qui constitue le bassin versant du fleuve Congo. Le fleuve Congo, on le sait, est l’un des plus importants au monde, et le bassin du Congo réunit donc tout un vaste ensemble de pays s’étendant sur plus de quatre millions de kilomètres carrés, avec presque une centaine de millions d’habitants. La population dans ces espaces doublera d’ici à 2035, avec de plus en plus de jeunes. Or les pratiques politiques dans cette région sont des plus archaïques et parmi les plus dictatoriales de l’histoire du Continent noir. Je pourrais même avancer que c’est le dernier territoire de la Françafrique, théâtre des bidouillages de Constitutions pour le maintien des monarques qui sont au pouvoir, en moyenne, depuis trente ans !

Par le monde

Gabon: décompte terminé à la Cour constitutionnelle, l’heure du verdict approche

Au Gabon, on est tout près de savoir si Ali Bongo a, oui ou non, bien été réélu à la tête du pays lors de la présidentielle du 27 août. Le camp de son adversaire Jean Ping avait déposé un recours devant la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays, pour obtenir un recomptage des voix dans le Haut-Ogooué. Dans cette province, le chef de l'Etat a obtenu 95 % des voix et arraché sa victoire. Depuis, l'opposition crie à la fraude. Cet après-midi, le juge rapporteur qui a instruit ce recours doit présenter son rapport final.

Selon une source bien informée, la Cour aurait terminé ce jeudi matin la vérification des procès-verbaux de tous les bureaux de vote du pays. Il y en a environ 2 800. L'opération avait commencé hier après-midi en présence des neuf juges de la Cour, de juges assistants et d'observateurs étrangers.
Elle est composée du président de la Cour constitutionnelle du Tchad et d'un membre du Conseil constitutionnel du Togo. Un troisième expert serait en chemin et deux autres qui étaient attendus, n'ont pas pu arriver à temps. Mohamed el-Hacen ould Lebatt est le leader de cette délégation. Chef de la mission de l'UA en Afrique centrale et ancien ministre mauritanien des Affaires étrangères, il explique la mission de son équipe : « Les observateurs sont là en vertu d’un accord qui donne la possibilité d’observer le processus juridictionnel du traitement des recours qui sont pendant devant cette honorable Cour et en particulier, la vérification des procès-verbaux de l’élection. Le rapport qu’ils vont établir, qui constate ce qu’il y a de bon, les lacunes, les anomalies éventuelles, ils n’en feront pas état publique et il sera adressé à l’Union africaine. On peut dire que ça ne répond pas à toutes les attentes de garantie de transparence, de garantie que les choses se passeront normalement, ça c’est l’affaire de la Cour elle-même qui est jalouse de son indépendance et qui est souveraine dans sa décision. Maintenant, le rapport il a une grande utilité. Il va fonder la conviction des autorités supérieures de l’Union africaine pour le suivi de la situation dans le pays ».
Procédure opaque pour l’opposition
Ce jeudi après-midi, vers 15h, aura lieu une audience publique, retransmise en direct. Dans la salle, il y aura tous les autres juges de la Cour. L'un d'eux aura été détaché afin d'être commissaire à la loi, c'est-à-dire pour défendre les textes législatifs et les intérêts de la société. Le juge rapporteur, qui a instruit ce recours, présentera alors son rapport.
Opposition et majorité pourront ensuite faire des observations. Enfin, le commissaire à la loi donnera des recommandations. Ce sera alors pour les juges le moment de délibérer pour rendre leur verdict et confirmer ou non la victoire d'Ali Bongo.
L'opposition dénonce déjà une procédure opaque de la Cour. Maître Bantsantsa, avocat de Jean Ping, souhaitait qu'une commission avec représentants des candidats soit créée pour recompter les PV du Haut-Ogooué. L'avocat se demande si les juges ont examiné simplement les PV de la Commission électorale, qui ont abouti à la victoire d'Ali Bongo. Des documents que maître Bantsantsa estime truqués. L'opposition demandait à ce qu'ils soient confrontés avec les PV que l'opposition avait elle-même rapportés du terrain et qui selon elle donnait une victoire à Jean Ping. Maître Nkéa, avocat d'Ali Bongo, juge l'instruction normale et il se dit serein à l'approche du verdict.
Par RFI