mardi 26 juillet 2011

DSK vs Nafissatou Diallo : le procès se joue dans les médias

Une semaine avant l'audience du 1er août, la bataille médiatique se durcit entre les avocats de DSK et celui de la femme de chambre du Sofitel.
Alors que l'ex-chef du FMI, inculpé de sept chefs d'accusation dont agression sexuelle et tentative de viol, se prépare à une nouvelle audience devant le juge Michael Obus, Nafissatou Diallo donne sa version des faits survenus dans la suite du Sofitel de New York.

Le tonitruant Kenneth Thompson

D'un côté, Kenneth Thompson et sa méthode coup de poing. Cette semaine, deux médias américains, Newsweek et ABC, publient la version de Nafissatou Diallo.
C'est la première fois qu'on la voit et qu'on entend sa voix. Nafissatou Diallo apparaîtra sur les écrans de la chaîne ABC News ce lundi en début d'après-midi (heure française). Elle a accordé une interview à l'émission « Good morning America ». L'employée de 32 ans y donne sa version.
Elle dit, par exemple :
« Dieu m'est témoin : je dis la vérité. Dieu le sait. Et [DSK] le sait. » (Voir la bande-annonce ou les extraits en anglais)

La une de Newsweek donnant la version de Nafissatou Diallo.Le magazine Newsweek, qui en a fait sa une de la semaine, a aussi interviewé la jeune femme pendant trois heures dans le cabinet de son avocat Kenneth Thompson.
Selon le magazine, « de temps en temps, Diallo pleurait en parlant » pendant l'interview et « à certains moments, les larmes paraissaient forcées ».
Elle y raconte qu'en entrant dans la suite, elle a dit : « Bonjour, service de chambre ». Un « homme nu aux cheveux blancs » est apparu. Il lui a semblé « fou ». Alors qu'elle s'excusait et voulait quitter la chambre, DSK lui aurait dit : « Vous n'avez pas à être désolée ». Puis : « Vous êtes belle ».
L'ex-patron du FMI aurait alors agrippé sa poitrine et claqué la porte. La femme de ménage raconte comment il a ensuite attrapé son entre-jambe et l'a forcée à faire une fellation. Elle dit :
« Nous sommes pauvres, mais nous sommes bons. Je ne pense pas à l'argent. »
Puis elle montre sa détermination :
« Je veux qu'il aille en prison. Je veux qu'il sache qu'il y a des endroits où on ne peut pas utiliser son pouvoir, où on ne peut pas utiliser son argent. »

Rencontre entre David Koubbi et Nafissatou Diallo

Cette phrase va dans le sens de la stratégie de Kenneth Thompson de donner à cette affaire une dimension sociale.
Après l'audience du 1er juillet (celle qui fait suite à un article du New York Times révélant les doutes du bureau du procureur sur la crédibilité du témoignage de la femme de chambre), Kenneth Thompson avait fait une conférence de presse remarquée devant le tribunal, racontant très longuement l'agression : comment Nafissatou Diallo avait craché du sperme sur les murs et comment DSK avait selon elle attrapé son vagin et déchiré un ligament de son épaule.
L'avocat a également fait un appel à témoins dans le journal de 20 heures de France 2. (Voir la vidéo)

Fin juillet, David Koubbi, avocat de Tristane Banon, s'est rendu à New York pour voir le procureur Cyrus Vance.
Il a aussi rencontré Kenneth Thompson et Nafissatou Diallo. De retour en France, il assure que la victime lui a paru « sincère ». L'avocat de Diallo souhaitait le rencontrer depuis longtemps.

Les insinuations de William Taylor

La défense a une stratégie inverse. Elle essaye de persuader le procureur d'abandonner les charges, mais de façon plus discrète et moins frontale (pour qu'il ne perde pas la face).
Ils ont engagé des détectives privés invisibles et s'expriment très peu dans les médias. Mais ils sont probablement en lien avec des journaux haut de gamme dans lesquels ils parlent « off » et organisent des fuites allant dans leur sens.
Face aux déclarations de Nafissatou Diallo, les avocats de Dominique Strauss-Kahn dénoncent une « campagne de diffamation ». William Taylor a ainsi indiqué a Newsweek :
« Ce qui me dégoûte, c'est cette tentative de faire pression sur le procureur avec du théâtre de rue, ce n'est pas bien. »
Dans un communiqué, Benjamin Brafman et William Taylor ont déclaré :
« Elle est la première accusatrice de l'histoire à mener une campagne médiatique pour persuader un procureur de maintenir les charges contre une personne auprès de qui elle espère obtenir de l'argent. »

« Nous sommes très confiants »

Depuis le début de l'affaire, ils se sont très peu exprimés « on the record ». Et au cours de ces interventions, ils parlent des détails de la procédure, et non pas de ce qu'il s'est passé dans la chambre du Sofitel.
Benjamin Brafman a accordé une courte interview à TF1, d'Israël, au tout début de l'affaire :
« Au regard de ce que j'ai vu dans le dossier, je suis confiant. »
« Confiant », comme s'il parlait de la victime d'une maladie grave ou d'un match de foot contre une équipe plus forte.
Le 14 juillet, William Taylor, l'un des deux as du barreau qui représentent Dominique Strauss-Kahn, a tenu une conférence de presse pour les journalistes français. (Voir la vidéo)

Il a beaucoup insisté sur un point :
« Le dossier médical de l'accusatrice est vide. Il n'y a aucune preuve. Pas de blessure à l'épaule, pas de marques de violences, pas de bleus. »
Il semblait miser sur un rapide abandon des poursuites.
Selon le journaliste du Figaro, William Taylor a dit aux journalistes que le dossier médical était accessible, qu'il n'avait qu'à le demander. Afin de les persuader qu'il disait vrai ?
Le lendemain, la porte-parole du bureau du procureur, Erin Duggane, a démenti cette information :
« Nous ne communiquons pas nos pièces avant le procès. »
Le 25 juillet, quasiment un mois après les révélations du New York Times sur les mensonges de Nafissatou Diallo, les poursuites ne sont toujours pas abandonnées. Et l'offensive de Nafissatou Diallo peut même regonfler le moral du procureur Cyrus Vance.

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