lundi 5 mars 2012

La démocratie sénégalaise sur la bonne voie

Editorial | Il y a des banalités électorales qu'il faut saluer, en Afrique notamment. Le 26 février, les Sénégalais ont voté dans le calme et la transparence pour le premier tour de l'élection présidentielle. Les résultats ont été immédiatement acceptés par toutes les parties en présence, qui préparent maintenant le duel final. Il faut s'en féliciter.

Le président sortant et candidat, Abdoulaye Wade, a vu là le signe que son pays "reste solidement ancré dans le cercle restreint des démocraties modernes, majeures et apaisées". Prenons-le au mot, car ce ne fut pas toujours grâce à lui. Il y a en effet une certaine ironie à l'entendre dire que ce scrutin a "apporté un démenti à tous les oiseaux de mauvais augure qui s'étaient empressés d'appeler au chevet d'un Sénégal qui serait agonisant". "Le Vieux", comme l'appellent affectueusement les Sénégalais, visait notamment les Etats-Unis, la France (ancienne puissance coloniale) et l'Union européenne, qui s'étaient publiquement inquiétés des conditions du vote. Il ciblait ceux qui avaient joint leurs voix à l'opposition sénégalaise pour contester la légalité de sa candidature à un troisième mandat.

Or il y avait des raisons d'être inquiet. La campagne électorale fut meurtrière : au moins six morts - des manifestants tombés sous les coups, les roues ou les balles des forces de l'ordre. Un bilan choquant au Sénégal. Surtout, on prêtait au président la volonté de se maintenir au pouvoir coûte que coûte. Sa façon de répéter qu'il allait l'emporter au premier tour malgré l'usure du pouvoir qu'il occupe depuis 2000 ; malgré sa défaite aux législatives de 2009 ; malgré son âge avancé ; malgré le vide qu'il a fait autour de lui ; malgré ses tours de passe-passe constitutionnels répétés. Tout cela sentait la magouille électorale à venir. Il n'en fut rien, tant mieux.

Cela prouve surtout que la démocratie sénégalaise et ses contre-pouvoirs ne fonctionnent pas si mal. Elle l'avait déjà démontré en juin 2011. L'opposition politique, la société civile, la presse, les étudiants et les rappeurs s'étaient levés pour bloquer une loi qui aurait permis au président sortant de se faire réélire avec seulement 25 % des voix et d'ouvrir la voie à une transmission héréditaire de la présidence à son fils Karim. Abdoulaye Wade s'était piteusement replié. La mobilisation de ces mêmes forces pour surveiller le bon déroulement du vote (ainsi que le déploiement d'observateurs internationaux) a abouti à un résultat transparent, le 26 février.

Il ne reste plus qu'à espérer un second tour - le 18 ou le 25 mars - aussi paisible. Abdoulaye Wade l'abordera en ballottage défavorable face à Macky Sall (50 ans), un de ses anciens premiers ministres, libéral comme lui. Par le jeu des alliances, M. Sall apparaît le mieux placé pour devenir le quatrième président du Sénégal depuis l'indépendance, en 1960.

En cas d'échec, souhaitons qu'Abdoulaye Wade se rappelle l'hommage qu'il a lui-même prononcé au lendemain du premier tour sur la solidité de la démocratie sénégalaise. Et qu'il respecte le verdict des urnes. En attendant, la vigilance est toujours de mise.


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